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nier nous peignant une soirée chez Mme Marliani : la porte s’ouvre, une vieille femme entre décolletée, parée, empanachée, fardée, et George Sand, qui se promène de long en large par le salon, s’écrie avec une expression indéfinissable : Oh ! la femme ! puis elle ne sort de son indifférence que lorsqu’elle remarque que Chopin s’excite trop échauffé en parlant littérature avec Grenier, ce qui peut lui faire du mal, alors elle s’approche de lui et pose maternellement sa douce main sur sa tête. Eh bien, les Mères de famille n’est qu’une variation sur ce thème : Oh ! la femme !

George Sand y parle avec indignation, mépris et fiel, de ces femmes — qu’elle eut souvent l’occasion de rencontrer à cette époque — vieilles mondaines qui veulent rester jeunes ; peintes, teintes et parées malgré leur âge ou à cause de leur âge, elles ne peuvent se résoudre à quitter le monde, ni leurs habitudes de jolies femmes, elles ne veulent pas céder la place à leurs filles, et ne comprennent pas que chaque âge peut avoir sa beauté, son genre de parure, plein de goût et non pas ridicule ou pitoyable. Ce petit article, fort judicieux et plein de précieuses observations, dénote chez l’auteur un goût et un sens très artistes, mais trahit une irritation, hors de propos à l’égard d’une chose qui n’a, au fond, aucune importance, aucune valeur. Cette énigmatique irritation est l’écho des disputes et des discordes qui avaient souvent lieu au square d’Orléans entre Mme Sand et Chopin, à propos de toutes ses relations aristocratiques, de toutes ces coutumes mondaines, de tout ce fatras de petites vanités, de sottises et de prétentions à la mode. En lisant les Mères de famille[1], on sent que l’auteur vise quelqu’un, il attaque un état de choses qui lui est particulièrement odieux. Le sujet de tant d’animosité — et de discordes continuelles — fut justement ce high life cosmopolite, cette bonne compagnie, que fréquentait Chopin et que détestait George Sand. C’étaient aussi les habitudes et les exigences de l’un qui déplaisaient à l’autre. Mme Sand, accoutumée à une vie bien plus simple, était également horripilée à l’idée que le valet de Chopin « recevait les gages d’un rédacteur de

  1. Cet article parut dans le deuxième volume du Diable à Paris.