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la tendresse maternelle qu’elle porte à sa fille adoptive et le désir qu’elle a de la rendre heureuse. Le roman se termine par la perspective du mariage de cette jeune personne avec le fils d’Alice. Est-ce afin de faire plaisir aux lecteurs vertueux choqués de ce qu’Isidora avait dans le temps épousé son comte de T… « pour de l’argent » ? Cet « argent » revient ainsi à l’héritier légitime du comte de T…, son neveu Félix de S…, le fils d’Alice. Cette restitution des richesses héréditaires ne justifie vraiment pas cette troisième partie. On y trouve certainement de belles pages, surtout les réflexions d’Isidora sur la manière de vieillir et la nécessité de savoir vieillir pour les femmes. Mais ces réflexions ne sont nullement indispensables au roman, et elles ne conviennent aucunement au caractère d’Isidora. Ce sont les observations et les conclusions personnelles d’Aurore Dudevant. Le roman, ainsi complété, produit une impression vague, mal définie ; sa pensée générale nous reste inconnue. Si George Sand avait voulu écrire l’histoire de la renaissance et de la réhabilitation d’une courtisane, c’est justement la peinture de cette évolution, de ce changement moral qui y manque-Nous y voyons au commencement une pâle silhouette de femme galante, rappelant tantôt Manon Lescaut, tantôt la Marion Delorme, ou Thisbé de Hugo. Dans la deuxième partie, nous voyons une femme ayant traversé maintes aventures dans sa jeunesse, fatiguée par la vie et… raisonnant avec beaucoup de finesse et d’esprit. Toutefois, entre ces deux femmes-là, il n’y a aucun trait d’union. Nous le répétons, Isidora n’est pas l’histoire de la courtisane régénérée par l’amour. C’est Alice qui est le personnage le plus réussi, le plus en relief de tout le roman : cette femme impose par son calme extérieur, sa froideur, sa retenue, et elle est en même temps toute vibrante de passion réprimée, de feu intérieur ; elle vit d’une existence pleine de douleurs, de joies profondes et cachées. Le portrait d’Alice et certains traits de sa biographie, son mariage forcé, à seize ans, avec un grand seigneur, et les horribles amertumes de son union conjugale, ont été probablement décrits d’après nature par Mme Sand ; une amie à elle, Mme de Rochemur, en premières noces du-