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Malheureusement, les lettres de George Sand à Chopin traitant de ce sujet furent détruites par elle. Nous en parlerons en son lieu. Dans la lettre imprimée de George Sand qui se rapporte à cette correspondance, nous lisons les lignes suivantes :

… Certes, il n’y a pas là de secret et j’aurais plutôt à me glorifier qu’à rougir d’avoir soigné et consolé comme mon enfant ce noble et inguérissable cœur. Mais le côté secret de cette correspondance, vous le savez maintenant. Il n’est pas bien grave, mais il m’eût été douloureux de le voir commenter et exagérer. On dit tout à ses enfants quand ils ont âge d’homme. Je disais donc alors à mon pauvre ami ce que je dis maintenant à mon fils. Quand ma fille me faisait souffrir par les hauteurs et les aspérités de son caractère d’enfant gâté, je m’en plaignais à celui qui était mon autre moi-même. Ce caractère, qui m’a bien souvent navrée et effrayée, s’est modifié, grâce à Dieu et à un peu d’expérience. D’ailleurs l’esprit inquiet d’une mère s’exagère ces premières manifestations de la force, ces défauts qui sont souvent son propre ouvrage, quand elle a trop aimé ou gâté. De tout cela, au bout de quelques années, il n’est plus sérieusement question. Mais ces révélations familières peuvent prendre de l’importance à certains yeux malveillants ; et j’aurais bien souffert d’ouvrir à tout le monde ce livre mystérieux de ma vie intime à la page où est écrit tant de fois, avec des sourires mêlés de larmes, le nom de ma fille[1]

Il n’y eut certes aucune jalousie dans le sens exact du mot, mais des comparaisons involontaires devaient surgir aux yeux d’une femme ayant déjà derrière elle sa première et… sa seconde jeunesse, et sa fille éblouissante de fraîcheur juvénile. 11 semble aussi que des réflexions sur la possibilité dans l’avenir d’un sentiment entre Chopin et Solange n’étaient point étrangères à Mme Sand. Solange, elle, s’évertua à faire entendre ultérieurement et même à dire que Chopin fut réellement amoureux d’elle. Les femmes du naturel de Solange, qui ne peuvent comprendre la pureté des rapports entre homme et femme, s’imaginent fort souvent et se répandent encore plus volontiers sur les tendres sentiments qu’elles ont inspirés à des gens qui, en réalité, ne furent qu’aimables et courtois envers

  1. Lettre à M. Dumas fils citée par M. Rocheblave.