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même à une simple exigence de convenance, de dignité. Oui, on ne peut pas toujours la juger sévèrement. Mais on peut la rendre responsable de tout ce qu’elle faisait sciemment, nullement retenue par sa rare intelligence, mais en en usant encore comme d’une arme. Nous nous rappelons à ce propos la phrase de notre grand et vénéré ami, A.-Th. Koni : L’intelligence privée de cœur ne vaut rien. L’intelligence, c’est une arme, c’est un couteau ; on peut, avec cela, couper un morceau de pain pour un malheureux, on peut aussi assassiner quelqu’un sur la grand’route… Il est clair que tous ces traits de caractère, toutes ces singularités et ces vices de Solange ne se firent jour que plus tard. Mais dès 1842-46, certains de ces défauts inquiétèrent sérieusement Mme Sand, lui faisant faire de douloureuses réflexions, la blessant profondément et lui donnant de grandes appréhensions pour l’avenir de la jeune fille et le bonheur de ceux qu’elle rencontrerait sur son chemin. Elle tâchait de combattre ces tendances inquiétantes ou de les atténuer. Et ce fut souvent en pareille occurrence que le doux, le délicat, le bien élevé Chopin non seulement n’aida pas Mme Sand, mais lui tint tête. Cela provenait en partie de ce que Solange savait parfaitement profiter des faiblesses de Chopin, des goûts qui leur étaient communs à tous les deux, ainsi que de beaucoup de ses sympathies et de ses antipathies. (Nous citerons comme exemples leur commune aversion pour Augustine Brault, la jeune parente que Mme Sand prit auprès d’elle, et leur engouement pour toutes les apparences, les élégances, les bienséances de la bonne compagnie.) Cela provenait aussi de ce que Solange devina trop précocement les rapports de sa mère et de Chopin. Sa nature perverse s’essaya à enlever Chopin à George Sand, et tout enfant (de quatorze à seize ans), elle fit la coquette avec lui, lui fit des avances fort peu innocentes. Cela constituait un ordre de choses absolument anormal, odieux, compliquant les malentendus dé o’à survenus à propos de Solange chaque fois que Mme Sand avait désiré, en toute confiance et en toute sincérité, consulter Chopin et lui parler du caractère difficile de sa fille, de ses sorties, de ses défauts. Elle continuait toutefois à le faire, et cela amenait souvent de fâcheux résultats.