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présent, j’espère que Solange tournera de même quelque jour[1]. La sublime Solange va reprendre ses leçons[2].

Et ainsi de suite !

Mais avec le temps, tout cela prit un caractère de plus en plus sérieux et commença à inquiéter Mme Sand. Dans l’intéressante étude de M. Rocheblave, George Sand et sa fille[3], écrite d’après la correspondance, pour la plupart inédite, des deux femmes, aussi bien que dans le livre de M. d’Heylli, nous trouvons toute une série de lettres de George Sand à Solange, à M. et Mme Bascans, qui montrent combien d’attention Mme Sand prêtait à chaque pas, à chaque acte de sa fille, combien elle se donnait de peine pour combattre ses défauts, diriger sa volonté, développer son application, lui apprendre à savoir se maîtriser, à penser aux autres ; combien elle tenait à lui insuffler de saines idées sur toutes choses, combien elle craignait de lui voir perdre son temps en ne s’appliquant pas assez aux leçons. Elle s’inquiétait des institutrices trop passives, qui ne la faisaient pas assez travailler et de la faiblesse desquelles Solange abusait. Elle craignait surtout de lui voir attacher trop d’importance aux pratiques du culte. À ce propos, George Sand eut le tort d’agir vis-à-vis de sa fille comme son aïeule avait agi à son égard. Arrivée, après une longue série de doutes, de combats intérieurs et de désespoirs, à la dernière étape de ses croyances, — un déisme libre, dans le goût de Leibniz et de Leroux, — Mme Sand crut devoir préserver sa fille des aspérités de cette longue route, elle voulut la sauvegarder des pratiques superstitieuses, de la foi aux sacrements, etc. Solange, déjà matérialiste et sceptique par nature, niant tout idéal, devint, grâce à ces soins dangereux, d’abord simplement athée et plus tard n’accepta de la religion que ce qui convenait aux usages de la « bonne compagnie » (dont elle fut toujours esclave), c’est-à-dire la pratique la plus formaliste, la plus extérieure des rites, dépourvue de tout senti-

  1. Corresp. t. II, p. 165.
  2. Ibid., t. II, p. 344.
  3. George Sand et sa fille, d’après leur correspondance inédite, par M. Samuel Rocheblave. (Revue des Deux Mondes, février, mars, mai 1905.)