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souvent nous trouvons sous la plume de George Sand des expressions enthousiastes devant l’esprit, la grâce, la beauté, la bravoure de sa blonde enfant. Mais elle avait un naturel froid ; l’abandon, le sacrifice désintéressé lui étaient inconnus ; ce manque de désintéressement s’accentua avec les années, fit de Solange une intéressée, même dans ses aventures amoureuses ; à la fin de sa vie il se changea en une avarice et un amour du lucre et des spéculations financières, qui trahissaient bien la fille de Casimir Dudevant. George Sand apportait dans ses passions la soif de l’idéal, elle s’engouait presque exclusivement des hommes personnifiant quelque grande idée. Solange concilia ses amours avec… l’amour du luxe. George Sand fut bonne à l’excès. Solange fut souvent simplement méchante, méchante pour la méchanceté, comme on fait de l’art pour l’art, selon l’expression d’une grande et célèbre artiste qui nous conta à ce propos l’anecdote suivante :

Oui, Solange avait été méchante dès son plus jeune âge… Un jour la famille Sand vint sur mon invitation passer quelque temps avec nous à notre campagne en B… Moi, comme toutes les châtelaines, je me mis à leur faire les honneurs du domaine, à les mener un peu partout : dans la cour, dans les étables, dans le jardin. Il y avait dans ce jardin une grande allée qui descendait tout droit de la maison, bordée de lis, d’iris, de glaïeuls, de narcisses. Je marchais avec Mme Sand en avant, la jeunesse suivait. Mais, tout en causant avec Mme Sand, j’entends tout le temps un sifflement de fouet derrière moi ; je me retourne et je vois que Solange, en marchant, allonge des coups de cravache aux têtes des fleurs, et immédiatement leur tige se casse et les fleurs se penchent, brisées. « Mais, ma chère enfant, que faites-vous donc là ? » Je me fâchai franchement et ce qui me révolta surtout, ce fut cette grossière et vilaine méchanceté, odieuse parce qu’elle n’avait aucun but ou plutôt n’avait d’autre que celui de causer un déplaisir à autrui. Et ce fut toujours ainsi : Solange faisait du mal comme on fait de l’art pour l’art, par amour de l’art

C’est ainsi que termina son récit la grande cantatrice[1].

  1. Il est à noter que cette artiste acquit son domaine à un moment où Solange n’était déjà plus une enfant, mais une grande fillette, presque une