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ouvrage que le miracle se fit par un moyen toujours efficace, par le sentiment. M. et Mme Bascans surent trouver le chemin du cœur de Solange, elle s’attacha à eux, et cet attachement dura toujours. On eut pour elle des procédés paternels et maternels, elle répondit par une confiance filiale ; sans le remarquer elle-même, elle se plia à l’autorité morale de ces deux personnes de mérite et bientôt à leur autorité intellectuelle. Les études marchèrent alors.

Néanmoins, il était trop tard : le caractère était déjà formé, l’hérédité de Solange était des plus complexes, sa nature n’était ni douce, ni équilibrée. Ces tendances commencèrent à se faire jour de plus en plus puissamment, chaque fois qu’il fallait agir non dans le cadre du régime scolaire si soigneusement réglé, mais bien en toute liberté, aux vacances, vis-à-vis des habitués de la maison ou des étrangers. Solange avait énormément d’esprit ; comme on le sait, sa mère en manquait complètement[1], mais cet esprit frisait souvent la raillerie froide et blessante. Elle avait une vaste et brillante intelligence, mais très peu de cœur[2]. Elle avait des capacités éminentes, une imagination vibrante, un intérêt éveillé pour l’art, la littérature, la politique, pour beaucoup de choses qui préoccupaient sa mère. Ce n’est pas sans raison que George Sand lui dédia le Meunier d’Angibault, en inscrivant en tête : Mon enfant, cherchons ensemble. Elle hérita même, jusqu’à un certain point, du talent de sa mère (sans hériter de son génie). Elle avait le don de plaire, de charmer, elle savait être adorable, et fort

    nous faire présent d’un exemplaire de ce rare petit volume si élégamment et si soigneusement imprimé.

  1. Voir dans le tome Ier de notre ouvrage le jugement de Heine à ce propos.
  2. Le vieux Delatouche qui revit George Sand et sa fille après onze ans de séparation et qui revit cette dernière non plus comme « un gros enfant mangeur de groseilles » mais comme une belle jeune fille de seize ans, écrit à George Sand dans l’une de ses lettres médites (mardi, 12 mars 1845) :
    « Je suis, mon cher et gracieux camarade, dans la joie de mes souvenirs de dimanche. Je trouve à Solange bien de la grâce avec un défaut que le temps ne tardera pas à corriger. Vous l’avez dotée d’une capacité cérébrale qui fait sa tête à l’heure qu’il est trop forte pour sa taille, mais demain la nature établira l’équilibre et un de vos plus jolis ouvrages aura la perfection des autres… »