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compagnie d’amis des deux sexes. Enfin, c’était une vie comme il en faut une aux enfants.

Mais il était trop tard ; Solange, cette fillette si bien douée, si intelligente, ne pouvait pis supporter aucune discipline domestique ; nature entêtée, capricieuse, indomptable, elle ne voulait ni apprendre, ni se soumettre à la volonté d’autrui ; elle faisait le désespoir de ses précepteurs et de sa mère. On essaya de tout avec elle, mais il fallut se résigner à la replacer dans une pension ; ce fut d’abord chez Mme Héreau, puis chez Mme Bascans. George Sand dit à ce propos :

Son esprit impatient ne pouvait se fixer à rien, et cela était désespérant, car l’intelligence, la mémoire et la compréhension étaient magnifiques chez elle. Il fallut en revenir à l’éducation en commun, qui la stimulait davantage, et à la vie de pension qui, restreignant les sujets de distraction, les rend plus faciles à vaincre. Elle ne se plut pourtant pas dans la première pension où je la mis. Je l’en retirai aussitôt pour la conduire à Chaillot, chez Mme Bascans où elle convint qu’elle était réellement mieux que chez moi. Installée dans une maison charmante et dans un heu magnifique, objet des plus doux soins et favorisée des leçons particulières de M. Bascans, un homme de vrai mérite, elle daigna enfin s’apercevoir que la culture de l’intelligence pouvait bien être autre chose qu’une vexation gratuite. Car tel était le thème de cette raisonneuse ; elle avait prétendu jusque-là qu’on avait inventé les connaissances humaines dans l’unique but de contrarier les petites filles…

Nous renvoyons ceux de nos lecteurs qui désireraient savoir comment s’opéra ce taming of the shrew, c’est-à-dire de quelle manière on parvint à dompter Solange, à lui suggérer le désir de travailler, et qui, plus est, à la plier à un régime et à une discipline pédagogique quelconque, au livre curieux de M. d’Heylli que nous avons déjà mentionné plusieurs fois[1]. On peut lire dans cet

  1. La Fille de George Sand. Lettres inédites, publiées et commentées par Georges d’Heylli (Edmond Poinsot). Paris, 1900. Ce livre qui, selon la petite notice placée en tête du volume, était « destiné à la famille et aux amis de Mme Bascans et de sa fille, Mme Edmond Poinsot (dont on trouve les deux portraits gravés par Lalauze, aux pages 20 et 100), n’a été tiré qu’à deux cents exemplaires qui ne sont pas mis dans le commerce… ». Nous profitons de cette occasion pour exprimer notre plus vive reconnaissance à l’auteur, M. Poinsot, qui, sans nous connaître personnellement, nous fit l’honneur de