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« à en douter… » Au dire de ce même Niecks, lorsqu’il questionna là-dessus Liszt, ce dernier ne souligna qu’une certaine retenue que Chopin laissa remarquer au commencement de ses relations avec George Sand, et il ne dit rien par rapport à son « aversion ». Bien au contraire, Liszt dit qu’au bout de très peu de temps la romancière remporta victoire sur cette retenue, grâce à ses merveilleux dons intellectuels et au charme de sa parole. Il en avait été de même avec Musset. Niecks remarque avec raison qu’il y eut beaucoup de points de ressemblance dans ces deux liaisons, en général. C’est ainsi que Chopin et Musset étaient tous les deux de quelques années plus jeunes que George Sand, tous les deux ils jouèrent le rôle du plus faible, etc., etc. Mais la différence fut grande entre le poète et le musicien sous le rapport moral, et quoique Musset appartînt par sa naissance à une famille presque aristocratique, et que Chopin naquit et se développa dans l’humble famille d’un directeur de pensionnat auprès du lycée de Varsovie, c’est bien lui, plutôt que Musset, qu’il faut appeler aristocrate dans le vrai et le grand sens du mot. C’était un homme d’une culture morale exceptionnelle et par sa nature, par toutes ses habitudes de famille et d’éducation, absolument incapable de passer son temps dans quelque société grossière ou dans les bas plaisirs où s’abaissa si souvent Musset.

Une taille moyenne et élancée, des mains longues et effilées, de très petits pieds, des cheveux très fins d’un blond cendré tirant sur le châtain, des yeux bruns plutôt vifs que mélancoliques, un nez busqué, un sourire très doux, une voix un peu sourde, et dans toute sa personne quelque chose de si noble, de si indéfinissablement aristocratique, que tous ceux qui ne le connaissaient pas le prenaient pour quelque magnat. Voici le portrait de Chopin. La recherche, le raffinement même, dans les manières, dans les paroles, dans l’habillement, comme dans l’ameublement de ses chambres, l’aversion innée pour toute discussion bruyante, pour les politiciens et les clubs, pour tout laisser aller des bohèmes, pour tout train de vie désordonné, pour les sans-façons des abords, pour tout manque de goût, le débraillé, le bariolé dans la mise ; l’engouement pour tout ce qui