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du fils devint de plus en plus profonde et intense. On ne doit pas s’étonner que lorsque Maurice devint adulte, — il eut en 1844 ses vingt et un ans révolus, — il comprît ce qu’il y avait d’anormal dans la vie de famille de Nohant, et, d’autre part, il prît à cœur tous les désaccords entre sa mère et Chopin. Tous les petits faits qu’elle, en sa qualité de grande psychologue, savait comprendre, expliquer par le déséquilibre de cet homme de génie, sa nervosité ou l’excès de sa sensibilité, et que son cœur de femme aimante savait pardonner, ces faits exaspéraient Maurice et le mettaient hors de lui. Il protestait contre ce qui chagrinait sa mère, et souvent ses protestations étaient âpres, cassantes. Le temps envenima tout : il y eut des disputes, des heurts, des discordes ; d’un côté, des sorties véhémentes ; de l’autre, des mécontentements et de sourdes fâcheries.

George Sand parle de tout cela dans les termes suivants :

… De toutes les amertumes que j’avais non plus à subir, mais à combattre, les souffrances de mon malade ordinaire n’étaient pas la moindre. Chopin voulait toujours Nohant et ne supportait jamais Nohant…

Chopin n’était pas né exclusif dans ses affections ; il ne l’était que par rapport à celle qu’il exigeait ; son âme, impressionnable à toute beauté, à toute grâce, à tout sourire, se livrait avec une facilité et une spontanéité inouïes. Il est vrai qu’elle se reprenait de même : un mot maladroit, un sourire équivoque le désenchantant avec excès. Il aimait passionnément trois femmes dans la même soirée de fête et s’en allait tout seul ne songeant à aucune d’elles, les laissant toutes trois convaincues de l’avoir exclusivement charmé…

Il était de même en amitié, s’enthousiasmant à première vue, se dégoûtant, se reprenant sans cesse, vivant d’engouements pleins de charmes pour ceux qui en étaient l’objet, et de mécontentements secrets, qui empoisonnaient ses plus chères affections… Ce n’est pas que son âme fût impuissante ou froide. Loin de là, elle était ardente et dévouée, mais non pas seulement et continuellement envers telle ou telle personne. Elle se livrait alternativement à cinq ou six affections qui se combattaient en lui et dont une primait tour à tour toutes les autres.

    cope. Lors du centenaire de George Sand, les Tchèques témoignèrent publiquement de leur profonde reconnaissance à la grande femme en envoyant une députation pour déposer une couronne de roses au pied de son monument, (V. là-dessus, à la fin de notre travail : le Centenaire.)