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teurs jurés de femmes, nous dirons que si généralement dans des cas pareils c’est celui des deux qui est supérieur à l’autre qui pâtit, — fût-il le plus sensible ou le plus raisonnable, — dans le cas présent, tous les deux étant supérieurstous les deux souffrirent, chacun selon sa nature. C’est que chacun portait en lui une raison particulière de souffrance profonde : son génie.

Il y eut toutefois une autre cause encore de fréquents chagrins et malentendus : les enfants de Mme Sand, — Maurice et Solange. Maurice, qui d’après sa mère eut d’abord beaucoup de sympathie pour Chopin, se mit peu à peu à nourrir contre lui une animosité, qui devint avec le temps de l’hostilité.

Entre 1842 et 1846 cette hostilité ne paraissait point encore, mais des querelles assez déplaisantes survenaient déjà, et Maurice Dudevant, en sa qualité de favori de sa mère et assez égoïste de nature, se souciait fort peu d’éviter ces conflits, il jouissait tranquillement de l’existence avec l’insouciance d’un artiste et l’aplomb juvénile d’un enfant gâté. Dès son plus jeune âge, il n’avait presque jamais été soumis à aucune discipline, soit scolaire, soit sociale, et depuis la séparation de ses parents, il vivait auprès de sa mère qui l’adorait, en pleine liberté, à Nohant ou dans le milieu tant soit peu bohème de la rue Pigalle, de la cour d’Orléans ou de l’atelier de Delacroix. À l’exception d’un assez court séjour au collège Henri IV, d’où il sortit dès 1837, ayant à peine terminé trois ou quatre années d’études, il n’eut que des leçons privées, assez peu régulières, sans système arrêté ; en 1841 cette espèce d’éducation à domicile prit fin, et le jeune homme s’adonna à la peinture, n’ayant donc jamais reçu aucune instruction sérieuse. George Sand déclare dans l’Histoire de ma vie que les lectures qu’il fit avec elle « pouvaient suffire à remplacer par des notions d’histoire, de philosophie et de littérature le grec et le latin du collège » (elle semble ne pas se douter qu’il y eût autre chose à étudier dans les écoles). Elle dit un peu plus loin que Maurice « n’avait jamais mordu aux études classiques », mais qu’il « prit avec M. Eugène Pelletan, Loyson et Zirardini le goût de lire et de comprendre et fut bientôt en état de s’ins-