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tutti quanti. Nous avons, en faisant analyse de ces légendes, dit que cette rencontre eut lieu dans les derniers mois de 1836, à l’époque où Mme d’Agoult et George Sand habitaient l’Hôtel de France, rue Laffitte, et que pendant les mois d’hiver de 1836 passés par George Sand à Paris, entre son voyage en Suisse et sa réclusion à Nohant (en janvier-avril 1837), elle et Chopin se virent non pas « une fois », mais bien plusieurs fois, soit dans le salon de la comtesse, soit chez Chopin lui-même, à ses soirées musicales intimes que Henri Heine nous décrit incomparablement dans ses lettres à Lewald[1] dont Liszt nous parle dans son livre sur Chopin[2] et auxquelles George Sand elle-même fait allusion dans son Histoire de ma vie[3].

Nous avons dit à cet endroit même de notre travail comment Chopin avait d’abord été récalcitrant à l’idée de faire la connaissance de George Sand, par haine des bas bleus en général. La première impression que lui fit la grande romancière fut aussi assez défavorable. C’est ainsi que ce même Karasowski qui raconte d’une manière aussi… poétique leur première rencontre et qui assure que d’emblée Chopin se sentit « compris comme il ne l’avait jamais été auparavant et par personne », ce même Karasowski déclare avoir lu dans une des lettres de Chopin à sa famille, détruites lors des événements de 1863[4] : « Hier j’ai rencontré George Sand, elle me produisit une impression fort désagréable… » Dans la lettre ouverte de Hiller à Franz Liszt, que Niecks cite dans sa biographie de Chopin, on peut lire ce qui suit : « Un soir tu rassemblas chez toi l’élite de la littérature française. Certes George Sand ne pouvait y manquer. En revenant à la maison, Chopin me dit : « Quelle femme antipathique que cette Sand. Est-ce vraiment bien une femme ? Je suis prêt

  1. Henri Heine, Lutetia. « Ueber die französische Bühne. Vertraute Briefe an August Lewald. » N° X.
  2. F. Chopin, par Liszt. Paris, Escudier, 1852.
  3. Histoire de ma vie, t. IV, p. 405.
  4. MM. Meczislas Karlowicz (Pamiatki po Chopinic, Warszawa, 1904) et Ferdinand Hœsick ont dernièrement fait justice de cette légende encore. La plus grande partie des lettres de Chopin et à Chopin n’a heureusement point été perdue lors du désastre de 1863, et ces messieurs en ont déjà publié un grand nombre.