Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/458

Cette page n’a pas encore été corrigée

guérir. Mais, si vous sentez le besoin de les dire, aucune affection ne recevra vos épanchements avec plus de sollicitude que la mienne.

Où avez-vous pris que je pouvais vous blâmer ? et par où êtes-vous blâmable ? Je ne suis pas catholique, je ne suis pas du monde. Je ne comprends pas une femme sans amour et sans dévouement à ce qu’elle aime. Soyez aussi prudente que possible, pour que ce monde hypocrite et méchant ne vous fasse pas perdre Y extérieur et le nécessaire de l’existence matérielle.

Mais notre vie intérieure, nul n’a droit de vous en demander compte. Si je puis quelque chose pour vous aider à lutter contre les méchants, vous me le direz dans l’occasion et vous me trouverez toujours. Bonsoir, amie ; parlez-moi de vous, de lui, de votre santé à tous deux. Ce que vous me faites pressentir me laisse dans un grand effroi. Est-il plus malade ? Est-ce vous qui le seriez ?

Personne ici n’a su que vous étiez absente, je n’en ai rien dit. Je crois que, s’il y a eu et s’il y a encore des cancans, ils viennent de M. F…[1] qui écrit toutes les semaines et qui cause toujours par ses lettres (je ne sais si elles contiennent des nouvelles ou des ragots) un notable changement dans l’humeur. Je ne connais ce monsieur que de vue ; mais je le crois écorché vif et toujours prêt à en vouloir à tout le monde de ses propres disgrâces. Ce caractère est peut-être plus digne de pitié que de blâme, mais il fait bien du mal à Vautre qui a la peau si délicate qu’une piqûre de cousin y fait une plaie profonde.

Mon Dieu, n’y a-t-il pas assez de maux véritables sans en créer d’imaginaires ?

À vous de cœur et à toujours.

On se représente la pauvre « sensitive » qu’était Chopin au milieu de toutes ces pénibles, grossières, banales et brutales impressions, qui le froissaient, le faisaient souffrir ou appréhender toutes sortes de complications ! Il y avait d’abord la crainte d’être soupçonné de manquer de délicatesse vis-à-vis de la famille de Marie Wodzinska, — son ancien amour ; la peur que toute cette histoire à propos de la statuette ne revînt de Poznan « exagérée et embellie », par l’intermédiaire d’Antoine et de la demoiselle de Rozières, via Paris à Nohant, auprès de Mme Sand, — son amour nouveau (il croyait, en jugeant par lui-même, que cet incident devait la blesser et l’affliger). Il y avait aussi l’in-

  1. Fontana.