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Polonius qu’elle vit dans toutes espèces de positions, elle s’insinua de force dans l’intimité de Mme S… (et tu ne peux t’imaginer avec combien d’habileté et avec combien de ruse et comment elle sut profiter de mes relations avec Antoine !) Tu peux juger combien cela m’est agréable, d’autant plus que (comme tu as pu le remarquer) Antoine ne l’aime qu’autant qu’elle s’est accrochée à lui et ne lui coûte rien. Antoine est, malgré toute sa bonté, apathique et s’est laissé enfourcher par cette étrange et habile intrigante accomplie, tu peux te l’imaginer de quels appétits elle fait preuve ! Elle le poursuit partout, et, par ricochet, elle me poursuit ; ceci ne serait encore rien, mais ce qui est pis, elle poursuit Mme S[and] ! Il lui semble qu’une fois que je fus lié dans mon enfance avec Antoine donc… (plusieurs mots biffés et illisibles). Assez là-dessus, n’est-ce pas ? Passons à quelque chose de plus ragoûtant.

Il est très intéressant de mettre ces lignes en regard de la lettre de George Sand imprimée dans la Correspondance et qui resterait assez énigmatique, sans ces deux lettres de Chopin à Fontana, mais avec elles éclaire parfaitement et définitivement la mystérieuse raison du mécontentement de Chopin et de son malentendu avec George Sand en l’été de 1841.


À mademoiselle de Rozières, à Paris.
Nohant, 22 septembre 1841.
Chère amie,

Je ne comprends pas que vous m’accusiez de vous accuser, quand je vous approuve et vous plains de toute mon âme. Si je ne vous ai pas écrit, c’est que je ne savais pas où vous adresser ma lettre et, comme le motif de votre absence était une chose fort secrète, comme on ne sait jamais ce que peut devenir une lettre qui ne va pas directement à la personne absente, je voulais attendre votre retour à Paris pour vous écrire. Je vous réponds ce soir à la hâte, ne voulant pas attendre la lettre de Solange, qui mettra bien deux ou trois jours à tailler et retailler sa plume, et ne voulant pas vous laisser dans le mauvais sentiment de doute que vous avez sur moi.

J’ai passé la nuit à corriger des épreuves, la tête m’en craque ; je ne vous dirai donc que deux mots. Parlez-moi à cœur ouvert si cela vous soulage, je ne me fais pas fort de vous consoler ; je crois que vos douleurs sont grandes et qu’il n’est au pouvoir de personne de les