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eux, les premiers, qui aient reçu cette argile ! Ils ne croiront jamais que ce n’est pas moi qui le lui ai donné ! Je suis considéré dans la maison d’Antoine bien autrement qu’en qualité de pianiste. À certaines personnes cela paraîtra tout autrement aussi. Tu ne les connais pas. Tout cela me reviendra ici dans une tout autre lumière. Ce sont des choses très délicates auxquelles il ne faudrait pas toucher. Assez là-dessus ! Je te prie, mon chéri, de ne rien dire à personne de ce que je viens de t’écrire là, que cela reste entre nous ! Si je ne l’ai point biffé, c’est afin que tu me comprennes. Ne te fais point de reproches. Aime-moi et écris-moi. Si Antoine n’était pas encore parti, laisse tout tel que, parce que cela serait pire, il raconterait tout cela à Mlle de Rozières, parce qu’il est un honnête homme, mais faible, et elle est indiscrète, aime à faire montre de son intimité, se mêle volontiers des affaires d’autrui ; embellira, exagérera tout cela et fera un taureau d’une grenouille, ce qui ne lui arrivera pas pour la première fois. C’est (entre nous) un cochon insipide qui d’une manière étonnante sut se creuser un passage dans mon enclos, y remue la terre et y cherche des truffes même parmi les roses ! C’est une personne à laquelle il ne faut point toucher, parce que dès qu’on y touche il en résulte une indiscrétion inénarrable ! Enfin une vieille fille ! Nous autres, vieux cavaliers, nous valons bien mieux !…

… Le 13 septembre Chopin écrit à ce même propos :

En ce qui concerne Antoine, je suis sûr que sa maladie est exagérée. Mais quant à ce que je t’avais écrit, il fut trop tard, parce que sa couveuse, immédiatement alarmée, écrivit une lettre désespérée à la maîtresse de céans [George Sand] avec l’aveu qu’elle allait le rejoindre, qu’elle méprisait les convenances, ces horribles convenances ; que sa famille c’étaient des misérables, des sauvages, des barbares atroces, la Nakwaska exceptée, dans laquelle elle avait trouvé une amie et qui lui donnait le passeport de sa gouvernante pour qu’elle puisse au plus vite aller le sauver ; qu’elle écrivait si brièvement (trois feuilles entières !) parce qu’elle ne savait pas s’il était vivant, qu’elle s’y attendait, après les terribles adieux, les nuits passées en larmes, etc. La verge, la verge à la vieille sotte ! Et ce qui me fâche le plus, c’est que tu sais combien j’aime Antoine, et non seulement je ne puis lui porter secours, mais encore j’ai tout l’air de protéger et de prêter la main à tout cela. J’y fis trop tard attention et ne sachant ce qui se passait et ne sachant point de quel genre était cette personne, je présentai cet épouvantail (wiechec) en qualité de maîtresse de piano à la fille de Mme S[and], qu’elle prit au collet et, se donnant pour une victime de l’amour et pour quelqu’un qui connaissait mon passé, grâce à mon