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ment laide et méprisable. On le sent si bien qu’on accepte tous les maux plutôt que ce néant et on a inventé l’enfer plutôt que de supposer Dieu indifférent pour les morts. Notre vie ressemble bien un peu à un supplice, mais nous avons la faculté de l’ennoblir à nos propres yeux par le courage que nous y portons, je crois que tout est là et que s’il est une satisfaction durable, toujours possible, toujours pure, c’est celle que nous donne la conscience de notre dévouement et de notre justice. Je vois bien que c’est par là que vous vous consolez et qu’en vous sacrifiant vous vous calmez un peu. Je ne désespère donc pas de votre force, parce que vous êtes une belle âme.

Bonsoir, chère amie. Vous me direz quand il faudra renvoyer ma pauvre fille. Je ne crois pas que je l’amène moi-même. Je resterai ici le plus tard possible pour remettre un peu mes affaires par le travail et l’économie ; j’ai eu sous ce rapport de grands revers, j’en sors peu à peu, mais ce n’est pas sans peine et sans fatigue.

À vous de cœur. Je vous embrasse tendrement. Solange ronfle. Elle vous écrira elle-même. Je ne sais où Maurice a pris que mon frère était scandalisé de vos plaisanteries. Il me charge de vous dire tout le contraire. Maurice a dit l’autre jour à quelqu’un d’un ton très ferme et très sec que vous étiez charmante et excellente ; cela m’a fait grand plaisir…

Dans les Lettres de Fr. Chopin à son ami Jules Fontana, publiées par Ferdinand Hœsick[1], nous trouvons des pages — se rapportant à Mlle de Rozières et expliquant les causes de l’hostilité de Chopin à son égard, qui paraissait si incompréhensible à Mme Sand. Pour les mieux apprécier citons les quelques lignes dont M. Ferd. Hœsick fait précéder ces deux lettres de Chopin. Jules Fontana qui avait fait à Paris, en l’été 1841, plusieurs commissions pour Chopin alors à Nohant, lui en rendit compte dans une lettre.

« Dans cette lettre, — dit M. Hœsick, — au milieu d’une série d’autres nouvelles familières, il annonçait à son ami qu’il avait fait cadeau de l’un des petits bustes de Chopin sculptés par Dantan, à Antoine Wodzinski qui était en train de se rendre auprès de ses parents à Poznan. Croyant que Chopin n’aurait rien à objecter, il semble ne s’être pas même douté qu’il le mettait par là dans une position équivoque, parce que Antoine Wodzinski

  1. Biblioteka Warszawska, 1899, en polonais.