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se plaint de trop travailler, et même qu’elle a les yeux fatigués, mais je n’y crois pas beaucoup. Je la sais trop paresseuse pour qu’il soit possible de l’amener à un excès de travail, et je pense que Mme Bascans sait ce que peut porter sa tête sans danger et sans altération.

Maintenant, que je vous dise encore de nos secrets. Il y a ici une irritation contre vous que je ne sais plus à quoi attribuer, qui ne rime à rien, et qui ressemble à une maladie. Je croyais que l’autre motif d’humeur détourné, celui-là s’en irait comme il était venu. Mais en vérité, je ne sais pas en quoi vous avez pu le blesser si fort. Il est très méchant à votre égard, non qu’il dise un seul mot contre vous que vous ne puissiez entendre, vous savez qu’il n’a réellement aucune amertume dans le cœur et il n’en a pas non plus de sujet réel avec vous. Mais il vous fait un crime de mon amitié pour vous et de la manière dont j’ai défendu vos droits à l’indépendance. Il en est malheureusement ainsi toutes les fois que je prends parti contre son jugement et son opinion pour une personne quelconque et son dépit est d’autant plus grand que je tiens plus à la personne et que je la soutiens plus chaudement. Si je n’étais témoin de ces engouements et de ces désengouements maladifs depuis trois ans, je n’y comprendrais rien, mais j’y suis malheureusement trop habituée pour en douter. Je me suis donc bien gardée de lui parler du nécessaire et de lui lire les phrases de votre lettre qui le concernent. Il y en aurait eu pour tout un jour de silence, de tristesse, de souffrance et de bizarrerie. J’ai essayé de lui remettre l’esprit en lui disant que Wz… ne viendrait pas, qu’il pourrait y compter. Il a sauté au plafond en disant que si j’en avais la certitude, apparemment c’est parce que je lui avais fait savoir la vérité. Là-dessus j’ai dit oui, j’ai cru qu’il deviendrait fou. Il voulait s’en aller, il disait que je le faisais passer pour fou, pour jaloux, pour ridicule, que je le brouillais avec ses meilleurs amis, que tout cela venait des caquets que nous avions faits ensemble, vous et moi, etc. Jusque-là j’avais parlé en riant, mais en voyant que cela lui faisait tant de mal et que la leçon était trop forte, je me suis rétractée, j’ai dit que je venais de l’attraper pour le punir, mais que ni vous ni Wz… ne vous doutiez de rien. Il l’a cru et il s’est remis tout de suite, mais il était de toutes les couleurs toute la journée. Engagez donc Wz… à ne jamais lui faire entendre rien qui le mette en souci de mon indiscrétion, car je crois qu’il en ferait une maladie. Il dit que Wz… lui bat froid, qu’il voit bien qu’il y a quelque chose entre eux. Enfin, comme de coutume, il veut que personne ne sourire de sa jalousie, excepté moi, et qu’elle ne soit punie en aucune façon par le blâme de ses amis. Tout cela est fort injuste, et doit être pardonné, seulement à cause de l’état de santé qui est aussi bizarre, aussi peu égal que le caractère. J’étais forcée de vous dire tout cela, car j’ai beaucoup désiré que vous vins-