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chez les autres, comme de bons voisins de province. Nous avons même inventé de ne faire qu’une marmite, et de manger tous ensemble, chez Mme Marliani, ce qui est plus économique et plus enjoué de beaucoup que le chacun chez soi. C’est une espèce de phalanstère qui nous divertit et où la liberté mutuelle est beaucoup plus garantie que dans celui des fouriéristes.

Voilà comme nous vivons cette année, et si tu viens nous voir, tu nous trouveras, j’espère, très gentils. Solange est en pension et sort tous les samedis jusqu’au lundi matin. Maurice a repris l’atelier con furia, et moi j’ai repris Consuelo, comme un chien qu’on fouette ; car j’avais tant flâné pour mon déménagement et mon installation, que je m’étais habituée délicieusement à ne rien faire.

J’espère que je te donne sur nous tous les détails que tu peux désirer…

Il est très curieux de noter que le père de Chopin, en apprenant que son fils avait pris un nouvel appartement, mais ignorant que George Sand l’y avait suivi, craignit qu’il ne se trouvât « trop solitaire » et écrivit ce qui suit à ce propos :

Nous avons vu avec plaisir par ta dernière lettre que l’air de la campagne a fortifié ta santé et que tu espère [s] passer un bon hiver, que tu as changé de logement, vu que le tien était trop froid. Mais ne seras-tu pas isolé, si d’autres personnes n’en changent pas ? Tu n’en fais pas mention… [1].

Nous avons donné, dans le chapitre n de ce volume, des esquisses de l’intérieur de la rue Pigalle et de l’existence qu’on y menait, tracées par Balzac, Gutzkow, Loménie et Laube. Quant à la vie intime de la cour d’Orléans, nous citerons le récit de notre compatriote, W. de Lenz, musicien fort connu et auteur des livres sur Beethoven[2], qui raconte dans sa brochure les Grands virtuoses de notre temps[3] comment il fit la connaissance de Chopin et de George Sand, et sa visite à la petite communauté du square d’Orléans.

  1. Lettre du 16 octobre 1842. (Pamiatki po Chopinie, p. 174.)
  2. Wilhelm von Lenz naquit en 1804, mourut le 31 janvier 1883 à Saint-Pétersbourg. Ses œuvres d’histoire et de critique musicale : Beethoven et ses trois styles et Beethoven eine Kunststudie, jouissent d’une célébrité fort méritée.
  3. Die grossen Pianofortevirtuosen unserer Zeit aus persônlicher Bekanntschaft. Berlin, 1872. E. Bock, in-8°, 111 pages.