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casion conseiller la prudence à son égard, tout en professant la plus grande admiration pour ses idées.

Toutefois, Mme Sand commençait elle-même à voir clair dans les grands projets « pratiques » de Leroux, elle trouvait, de plus, que le philosophe avait tort de se plaindre continuellement. Elle écrit en juillet 1845 à Mme Marliani :

J’ai vu Leroux hier soir. Il imprime l’Éclaireur ; il aurait voulu des avances plus considérables que celles qu’on a pu lui faire. Il se plaint un peu de tout le monde et ne veut pas comprendre que sa prétendue persévérance n’inspire de confiance à personne. Il dit qu’on le regarde apparemment comme un malhonnête homme en pensant qu’il peut manquer à sa parole. Que lui répondre ? À qui a-t-on plus donné, plus confié, plus pardonné ? Tout cela déchire le cœur quand on a fait son possible pour lui et souvent plus que le possible. Sa position est toujours précaire et difficile. Cependant voilà le pain assuré, mais voudrait-il s’en nourrir ? On lui assure de quatre à cinq mille francs par an…[1].

À Maurice à Courtavenel, Mme Sand écrit aussi à propos de Leroux (à la fin d’une lettre, où elle raconte à son fils l’excur-

  1. Cette lettre est encore erronément datée de « juin 1844 », dans la Correspondance. Mme Sand y fait allusion, entre autres, aux pluies et aux inondations qui désolèrent les environs de Nohant en l’été de 1845, qui y occasionnèrent de vrais désastres et par suite du débordement des rivières empêchèrent les Viardot de partir pour Paris à la date fixée pour leur départ. On a de plus omis les dernières lignes de cette lettre : « Ma lettre est retardée de quelques heures, Viardot s’en charge. » Or, les Viardot ne purent pas faire leur séjour habituel à Nohant en 1844 ; en 1845, ils quittèrent le château en juillet, plus tard ce fut Maurice qui fit un séjour chez eux, à Courtavenel, Mme Viardot se rendit après aux fêtes en l’honneur de Beethoven à Bonn. Tous ces faits sont relatés dans les lettres de Chopin à sa sœur, datées du 20 juillet et d’octobre 1845. Dans cette seconde lettre, il parle encore d’une excursion à Boussac, de l’imprimerie et de la machine de Leroux, qui imprimait « un nouveau journal intitulé l’Éclaireur » et de ses engouements éternels pour de nouvelles idées et de nouveaux projets, qu’ « il commençait toujours et n’achevait jamais entièrement », et aussi de ce que cette machine « a déjà coûté à Leroux, ainsi qu’au propriétaire de M. Coco (le chien de Mme Sand), et à ses autres amis plus de dix mille francs », ou même « plusieurs dizaines de mille francs ».
    On retrouve de même une allusion au « déluge » de 1845 dans la lettre de Mme Sand à Poncy, du 12 septembre 1845. Il faut aussi remarquer que le numéro 1 de l’Éclaireur ne parut que le 14 septembre 1844, et que ce journal s’imprimait d’abord à Orléans, plus tard à Boussac chez Leroux, qui ne put donc s’en occuper qu’en l’été de 1845 et non pas en 1844.