Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/426

Cette page n’a pas encore été corrigée

Les deux braves jeunes gens, auxquels Mme Sand dit franchement son opinion sur Leroux qu’elle considérait comme penseur de génie, mais d’une incapacité enfantine en affaires pratiques, furent si touchés de sa confiance qu’ils lui écrivirent d’emblée les deux lettres inédites que voici :

Madame,

Vous me recommandez le secret sur l’objet de notre entretien d’avant-hier. J’étais déjà disposé à le garder avant même votre recommandation, et, à plus forte raison maintenant. Quant aux calomnies qui ont été faites contre notre ami commun, il vaut mieux, je crois, n’en point rechercher les premiers auteurs ; il me serait impossible, du reste, quant à moi, de vous les faire connaître, attendu que la personne de qui mon père tient toutes ces choses lui a fait promettre de ne la nommer à qui que ce soit. Peu doit importer, en somme, à nous et à l’homme que nous vénérons, les calomnies répandues sur son compte, si nous sommes convaincus, et nous le sommes, que ce sont des calomnies. Si je suis allé vous voir, madame, pour vous demander des éclaircissements, ce n’est point pour moi, dont la conviction n’a jamais été ébranlée un seul instant, mais pour mes parents, sur l’esprit desquels ces calomnies n’avaient point laissé que de faire impression. Je tenais d’autant plus à détruire ces fâcheuses impressions que mon père, sans partager précisément toutes nos idées, professe pour Pierre Leroux une grande admiration, et qu’il était peiné de ne pouvoir lui continuer son estime. Mes parents sont pleinement satisfaits des explications que vous m’avez données et aussi des bons conseils que j’ai reçus de vous. Je vous prie donc, madame, d’oublier tout ce qui s’est passé et de recevoir mes remerciements pour vos bons avis.

Veuillez agréer l’hommage de mes respects et la nouvelle assurance de mon entier dévouement.

Luc Desages.
Ce dimanche, 1er décembre.


Madame,

Je n’ai pas de secret pour Luc ; de son côté il n’en a pas pour moi : il m’a donc montré votre lettre. Vous réclamez son silence et le mien sur vos paroles d’hier ; vous pouvez compter, madame, sur ce silence de la manière la plus absolue et nous l’eussions gardé religieusement lors même que vous n’en auriez point manifesté le désir.

Permettez-moi, madame, de vous remercier vivement de la confiance que vous nous avez témoignée et surtout de la manière dont vous