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drait mettre au dos des deux effets la date : Nohant, le octobre 1844, et votre signature, sans rien de plus. J’ai fait un trait de crayon à l’endroit où vous auriez à émettre la date, en laissant un peu d’espace pour passer à l’ordre de Veyret ou d’une autre personne sûre qui garderait ces effets sans circulation.

Mme Sand garda simplement ces deux billets, envoya immédiatement à Leroux cinq cents francs de Nohant et s’adressa de plus à M. François et à Mme Marliani en priant le premier de payer à Leroux cinq cents francs sur ses honoraires à elle, et la seconde : de lui prêter cette même somme pour quelque temps et de la donner encore à Leroux, au cas où cette somme ne lui suffirait pas, ou si François n’était pas en mesure de l’avancer. Cette lettre à Mme Marliani, écrite en octobre 1844, est imprimée, dans la Correspondance, à la fausse date de « 14 novembre 1843 » ; elle est profondément touchante par l’infinie miséricorde et la pitié émue qui s’y font voir, et par le désir ardent qui s’y manifeste non seulement de prêter secours à Leroux, de ne pas permettre « que la lumière de son âme s’éteigne dans ce combat, que l’effroi et le découragement l’envahissent, faute de quelques billets de banque », mais encore de le faire de manière que personne ne le sache, parce que « son malheur et notre dévouement sont notre secret à nous », dit-elle.

Il y eut pourtant des personnes qui, sans se rendre compte du caractère purement idéaliste du dévouement de Mme Sand pour le philosophe, incriminèrent son excès de zèle à secourir matériellement Leroux. Le père de Luc Desages fut de ce nombre, Mme Sand ne prêta aucune attention aux efforts de ses amis pour préserver sa bourse, mais elle trouva nécessaire de couper court à ces cancans ; elle s’en expliqua de vive voix avec Luc Desages et l’ami de ce dernier, M. Emile Aucante, écrivit une longue lettre à M. Desages père, lui expliquant les raisons qui lui faisaient considérer l’œuvre philosophique et sociale de Leroux comme une action de la plus grande importance, à laquelle tous les amis de la vérité devraient prêter secours, et elle rejetait avec indignation toute] autre raison de son aide dévouée au philosophe malheureux.