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de cinquante-deux centimes, au lieu de quarante. J’ai restreint à deux ans la durée de l’exploitation, de manière à ce qu’à l’expiration précise de votre traité avec Perrotin, vous rentriez dans la propriété de votre œuvre tout entière, aussi bien pour Consuelo que pour les ouvrages concédés actuellement à Perrotin. J’attends la réponse de Mazgana, laquelle se fait bien attendre. La principale difficulté qui l’arrête et l’empêche d’adopter ces conditions, c’est l’étendue de l’ouvrage. S’il s’agissait, me dit-il, de trois ou quatre ouvrages différents pour la même étendue, il se déciderait sur-le-champ. Vous voyez, chère amie, que jusqu’ici rien ne m’a réussi, et que les trois planches de salut que vous aviez concertées pour que l’une me servît tout d’abord, puis une autre, puis une autre encore, me laissent uniformément naufragé. Je suis, je l’avoue, au milieu de bien des embarras, par le refus de Veyret. J’avais fait continuer pendant mon absence mon nouveau moule ; il est bientôt fini, mais les ouvriers me pressent de les payer ou de leur donner un fort acompte ; j’ai un billet à payer, puis… que vous dirai-je ? tout l’attirail d’un malheureux inventeur qui a entrepris ce qu’il n’est permis qu’aux seigneurs d’entreprendre, aux seigneurs du capital. Il faut que ces embarras soient bien grands et bien pressants pour que je vous propose ce que je vais vous demander. François m’a dit que si le motif qu’il suppose à Veyret n’est pas fondé, ou même en le supposant fondé, il est toujours facile d’avoir par lui (et dans tous les cas par un autre) l’argent que vous aviez demandé pour moi comme un emprunt à vous personnel. Il suffirait de présenter notre billet, et ce ne serait plus qu’une affaire de négociation. Il me répugnait d’employer ainsi votre signature comme garantie de la mienne, parce qu’on n’aime à voir votre signature qu’au bas de vos écrits, et non pas au dos d’effets mercantiles. Mais j’ai réfléchi qu’il vous est arrivé déjà plusieurs fois de faire escompter le papier que vous donnent vos libraires, ce qui a nécessité votre signature sur des effets à ordre. Foulant donc aux pieds ma faiblesse, ou ce que je considère comme telle en cette occurrence, je vous envoie deux effets que j’ai souscrits à votre ordre, faisant ensemble la somme que vous demandiez à Veyret. Si j’ai tort, déchirez-les, et qu’il n’en soit pas même question dans votre réponse. Si vous êtes d’avis que j’aie de nouveau recours à Veyret, ainsi garanti, dites-le-moi, et jugez-en par sa lettre. Dans tous les cas, je pourrais m’adresser ailleurs. Si je ne réussis pas, je déchirerai ces effets, et ce sera une quatrième planche pourrie.

Amie, je suis fort fatigué des choses, et je dirais aussi volontiers des hommes. Est-ce ma faute, à moi ? Oui, assurément, parce que je participe de la nature humaine, mais c’est encore plus, je crois, la faute des hommes que je trouve pleins d’égarements, d’obscurité et d’ignorance. Vous le voyez, me voilà prêt encore à vous parler de ma manière