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elle-même à Leroux une somme assez considérable et lui confia de nouvelles transactions avec ses éditeurs pour lui faire gagner quelques courtages. Puis elle s’adressa de nouveau à Veyret le priant d’avancer encore de l’argent à Leroux. Grâce à toutes ces générosités George Sand se trouva gênée elle-même. C’est pour pourvoir à tant de dépenses extraordinaires qu’elle dut, en 1843, vérifier et refaire tous ses baux avec ses fermiers. Cela l’obligea aussi à rester en 1844 jusqu’au mois de décembre à Nohant : elle profitait de cette solitude pour abattre le plus de besogne possible.

Des amis de Mme Sand et des personnes pratiques, assez clairvoyantes pour comprendre dans quel gouffre elle jetait son argent, essayèrent de lui ouvrir les yeux, afin d’empêcher ces sacrifices inutiles, qui devaient, semblait-il, la conduire à la ruine. M. Veyret lui écrivit :


Paris, 27 septembre 1844.
Madame,

Je regrette de ne pouvoir remettre en ce moment à Leroux les mille francs que vous me demandez pour lui, mais, par suite de diverses dépenses imprévues et d’une acquisition que j’ai faite, je me trouve en ce moment assez gêné pour n’avoir pas à ma disposition la somme que vous me priez de lui compter. Et cette somme serait en mon pouvoir, madame, qu’avant de la lui donner, je croirais devoir vous soumettre quelques observations qui me sont dictées par l’intérêt et l’amitié que je porte à Leroux et le regret que j’éprouve de le voir s’enfoncer chaque jour davantage dans la malheureuse voie où il est entré depuis bientôt deux ans. Il ne faut plus se dissimuler, à la suite des nombreuses expériences qu’il a faites et renouvelées tant de fois sans résultats positifs, que Pierre poursuit une chimère qui n’aboutira jamais qu’à des dépenses inutiles, sans arriver jamais à l’état de réalisation. Et ce qui n’est pas moins triste, c’est de voir qu’il est l’objet d’une véritable exploitation de la part de ses frères, qui n’ont pas honte, eux et leur nombreuse famille, de rester sans rien faire en vivant de l’argent que vous lui donnez.

Une telle situation doit être rompue forcément, et dans l’intérêt de Leroux, pour sa dignité autant que pour son avenir, il faut y mettre un terme, car tous ceux qui l’aiment ne peuvent voir sans regret qu’une aussi noble intelligence reste dans une inaction complète, et qu’au lieu d’utiliser les trésors qui lui ont été départis pour