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Nous disons alors, parce que à présent ces mots ont un tout autre sens ; mais ces articles et leur suite intitulée Réponse à diverses objections présentent un intérêt toujours actuel : aujourd’hui comme hier les hommes se divisent en deux clans : ceux qui croient qu’il suffit d’établir telles ou telles institutions politiques ou de proclamer une « constitution » pour que l’humanité soit subitement libérée de tous ses maux, et ceux qui conseillent d’enseigner le bien à cette même humanité, de la réformer, de l’éclairer d’abord : c’est alors qu’elle n’aura besoin d’aucune constitution ou institution politique, ni ancienne, ni nouvelle. George Sand appelle les hommes de la première catégorie les politiques, et ceux de la seconde, les socialistes.

Ailleurs elle les définit à peu près comme elle avait défini les grands hommes et les hommes forts dans son article sur Jean-Jacques[1], — les socialistes sont les hommes d’idées, les politiques les hommes d’action.

Il faut que ce divorce entre la pensée et l’action, entre la synthèse et l’analyse cesse. Seule l’union et la réconciliation des hommes des deux catégories peut avoir de bons résultats pour le peuple qui souffre. Les uns ont tort de dire : agissons et tout s’arrangera de soi-même. Les autres également ont tort de créer des systèmes sans se soucier de mettre en pratique ces rêves de l’âge d’or. Ceux qui veulent réformer la société doivent se laisser guider par un dogme, un idéal religieux et philosophique arrêté.

Cette affirmation provoqua des railleries et des attaques contre George Sand dans plusieurs journaux de province ; les uns demandaient « s’il fallait prendre un bâton blanc et aller prêcher dans les villages » ; d’autres s’il ne fallait pas attendre un nouveau messie ; les troisièmes disaient carrément que l’auteur — ce « discoureur solitaire » — ne faisait que répéter les idées d’un philosophe, dont il était le disciple. Dans la Réponse à diverses objections, George Sand répète sa définition et sa condamnation des hommes des deux catégories ; puis elle déclare

  1. Voir plus haut, chap. ii, p. 196, et le présent chapitre, p. 371.