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mot d’ordre proclamé par Ledru-Rollin : Travailleurs, faites des pétitions !

Louis Blanc, en novembre 1844, pria George Sand de collaborer à la Réforme (comme un peu auparavant elle avait prié Louis Blanc de collaborer à l’Éclaireur).

Voici sa lettre qui est inédite :


Confidentielle.

Je suis chargé par MM. Arago, Cavaignac, Ledru-Rollin, Flocon, Étienne Arago, Joly et tous ceux qui nous aident dans l’accomplissement d’une tâche difficile et sainte de vous exprimer combien votre adhésion les a touchés. M. Ledru-Rollin, particulièrement, vous remercie et tous nous vous crions du fond de l’âme de venir avec nous. Votre cause et celle du peuple n’est-elle pas la nôtre ? Ne devez-vous pas à notre but qui est le triomphe de l’égalité ce que Dieu a mis en vous de force, de courage, d’éloquence ? Mais vous le savez bien : votre renommée ne vous appartient pas ; elle appartient à la vérité. C’est pourquoi nous invoquons votre concours. Nos ennemis sont puissants, et leur puissance consiste en partie dans leur union ; pourquoi ne nous unirions-nous pas ? L’amour de l’humanité, la haine de l’oppression, le devoir de protéger les faibles, les ignorants et les pauvres, la noble satisfaction de l’avoir fait, seraient-ils par hasard des liens plus difficiles à nouer que cet affreux lien : l’égoïsme. Que ne tentons-nous l’effet d’un fraternel concert ? Que n’opposons-nous à l’action brutale de l’argent celle du talent désintéressé ? Voilà ce que nous nous sommes dit en nous déterminant à faire appel, de par le peuple et en vue de son affranchissement, à quiconque est grand par l’intelligence et par le cœur. La politique vous fait peur, je le sais, et c’est tout simple, hélas ! Vous l’avez vue jusqu’ici confinée dans d’ignobles et obscures intrigues ; vous l’avez vue réduite à n’être entre des ambitieux sans entrailles qu’une sorte de pugilat honteux et brutal. Vous avez détourné la tête avec dégoût.

Mais parce qu’on a fait de la politique un rôle, est-ce à dire qu’elle ne soit pas une mission ? Parce qu’on l’a hideusement détournée de son but, est-ce à dire que les honnêtes gens ne doivent plus s’occuper de l’y ramener ? Laisserons-nous aux mains des adversaires de notre cause une force dont notre cause peut et doit profiter, force immense, force incontestable dont l’abus s’appelle tyrannie et dont l’usage s’appellerait affranchissement du prolétariat ? En vous associant à nous, ne craignez pas de ne vous associer qu’à des hommes politiques. Car la politique n’est pour nous que la force mise courageusement au ser-