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chose. J’étais sûr de lui d’avance, et je n’ai pas été trompé. J’ai déjà pas mal souffert, j’ai fait aussi des pertes cruelles, sans compter d’autres afflictions bien profondes : mais avec lui j’apprenais à souffrir et à savoir mourir. Jean est un fameux homme, un brave et grand esprit. Je veux qu’il vous connaisse un jour et qu’il vous aime comme je vous admire.

J’ai été forcé de rester auprès de lui jusqu’au moment où je l’ai conduit à Chantilly chez sa mère. Voilà pourquoi je n’ai pas été vous voir déjà. Je suis encore retenu aujourd’hui et peut-être demain. Mais j’espère que vous ne serez pas partie d’ici à deux jours. Maurice va donc bien ; il est avec vous et Solange aussi. Alors, puisque nul cœur ne vous manque, pourquoi ne resterez-vous pas quelques jours de plus, pour le bonheur de la Madona. J’ai vu sur votre cachet Italiam. Vous irez donc ! J’ai renoncé à mon voyage d’Allemagne à cause de Reynaud. Il a besoin des montagnes pour se retremper, et nous irons faire un petit voyage dans les Alpes.

À vous pour toujours.
P. Leroux.


Au Major Adolphe Piclet, à Genève.
Paris. Printemps 1838.
Cher Major,

… Vous seriez bien aimable de me donner de vos nouvelles ici, rue Grange-Batelière, 7. J’y serai encore une quinzaine, et il est possible, probable même, que nous allions passer l’été en Suisse. La santé de mon fils est meilleure ; mais les médecins lui ordonnent un climat frais en été et chaud en hiver. Nous serons donc bientôt à Genève et ensuite à Naples. Dites-moi dans quelle partie bien sauvage et bien pittoresque de vos montagnes je pourrais aller travailler ; je voudrais un climat modéré pour Maurice, et pour moi des paysans parlant français. Les environs de Genève ne me paraissent pas assez énergiques comme paysage, et je voudrais fuir les Anglais, les buveurs d’eaux, les touristes, etc. Je voudrais encore vivre à bon marché, car j’ai gagné deux procès et je suis ruinée…

Le lecteur sait déjà que ce n’est ni en Italie, ni en Suisse que se rendit George Sand en l’automne de 1838, mais bien à Majorque, et on sait aussi qu’outre ses deux enfants, son troisième compagnon de voyage fut Chopin.

C’est avec une profonde émotion, avec un frisson de véné-