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tement : « votre journal », « leur journal », « le journal de mes amis », « je consens de toute mon âme à vous seconder » ou de « les seconder », « ma collaboration à leur journal se bornera… », etc. Bref, Mme Sand ne voulait point faire « la mouche du coche », mais humblement faire croire qu’elle n’était que « la cinquième roue du carrosse », que ses amis n’étaient aucunement responsables de ses rêves « d’une meilleure société » dans l’avenir ou de ses opinions personnelles, mais qu’elle, non plus, n’était point solidaire de leurs doctrines politiques, parce qu’elle n’était d’aucun parti, tandis qu’eux croyaient que la lutte des partis était indispensable. Enfin, elle déclare la même chose dans sa lettre du 24 novembre 1844 à M. Leroy préfet de l’Indre (lettre écrite avec une maestria incomparable), ayant trait aux attaques dirigées contre elle parle journal officiel de l’Indre. Cette lettre est un vrai chef-d’œuvre de dignité dans la défense personnelle, d’adresse judiciaire, de raillerie élégante, de correction mordante, d’esprit et de grâce. « Je n’exerce aucune influence sur l’Éclaireur de l’Indre », — c’est là le thème varié sur tous les tons, — « je n’y suis qu’un modeste collaborateur », et soudain elle termine sa lettre par ce tour d’adresse charmant :

Agréez mes explications, monsieur le préfet, avec le bon goût d’un homme d’esprit, car lorsque je me permets de vous écrire ainsi, c’est à M. Leroy que je m’adresse, et le collaborateur de l’Éclaireur n’y est pour rien, vous le voyez, non plus que M. le préfet de l’Indre ; nous parlons de ces personnes-là, mais celle qui a l’honneur de vous présenter ses sentiments les plus distingués, c’est

George Sand[1].

Il paraît que cette humilité, qui peut sembler tant soit peu hypocrite, ne fut dictée, ni par la prudence, ni par la diplomatie à l’égard des quatre rédacteurs, ses amis, dont George Sand épargnait l’amour-propre masculin, ni enfin par sa modestie habituelle. Après avoir énergiquement organisé la revue et l’avoir mise sur pied, George Sand se mit simplement au second plan et laissa le champ libre à ses amis.

  1. Corresp., t. II, p. 317-322.