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Le procureur voulant poursuivre l’auteur de cette affreuse histoire, George Sand dut avant tout être en mesure de se défendre et de prouver la véracité de tout ce qu’elle avait avancé, sans pour cela oublier sa sollicitude pour la misérable Fanchette. Elle écrit à son fils à Paris le 17 novembre 1843[1] :


Mon enfant,

Sois donc tranquille, je n’irai pas en prison, je n’aurai pas de procès. Il n’y a pas de danger, je n’y ai pas donné matière, je n’ai nommé personne et d’ailleurs cela mettrait trop au jour la vérité. On ne s’y frottera pas. Je n’ai pas envie de chercher le danger ; s’il m’atteignait, je le prendrais comme il faut, mais nous sommes si sûrs de l’impossibilité de ce procès que nous avons ri de tes craintes.

Voilà trois jours qui se sont passés depuis deux heures de l’après-midi jusqu’au soir en conciliabules, en brouillons de lettres, en délibérations, toujours pour constater et prouver de plus en plus l’histoire de Fanchette, que chaque renseignement rend plus certaine, plus évidente, et nous n’avons pas laissé passer une parole de ma réponse sans la peser dix fois, afin de ne laisser aucune prise ni à la contradiction, ni au procès. Delaveau et Boursault sont venus me donner renseignements et attestations ; nous publions l’enquête[2] ; enfin nous sommes tran-

  1. La lettre du procureur, M. Rochoux, imprimée dans la Revue indépendante, fut datée du 9 novembre 1843. Il est clair que la réponse à cette lettre que Mme Sand écrivit, après avoir reçu le numéro de la Revue contenant la lettre de M. Rochoux et après en avoir délibéré avec ses amis, sur chaque point, ne put pas être écrite « le 17 octobre », comme il est imprimé dans la Correspondance, mais bien le 17 novembre. Cette lettre se termine par les mots : « Je décachette ma lettre pour te dire qu’elle n’est pas partie ce soir… Tu en recevras deux à la fois. » Effectivement, parmi les lettres inédites, nous en trouvons une qui est datée du 18 novembre et dont nous citerons quelques lignes un peu plus loin. Les lettres imprimées dans la Correspondance aux dates de 16 et 28 novembre doivent être datées des 26 et 27 novembre, comme chacun peut s’en convaincre en les lisant attentivement et en les confrontant avec celles des 17, 18 et 29 novembre.
  2. Cette Copie de l’enquête faite à la diligence de M. le maire de la Châtre par le commissaire de police de cette ville (et signée par ce commissaire nommé Bouyer) fut imprimée dans la Réponse à M. le procureur du roi de la Châtre, de George Sand, ainsi que les deux lettres par lesquelles MM. Boursault et Delaveau attestaient l’exactitude des faits consignés dans son récit sur Fanchette. Cette attestation de la part de Boursault que « tout ce qui le concernait (dans la réponse de George Sand au procureur) était d’une parfaite exactitude », était surtout importante, parce que si Fanchette eût légalement « cessé de faire partie de l’hospice » comme les coupables avaient essayé de le faire croire, elle n’aurait pu en sortir que munie d’un exeat du médecin, Or, cela n’était pas, et George Sand le prouvait victorieusement.