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effet, portant sur la couverture jaune les mots : « se vend au profit de Fanchette. » La plus grande partie des exemplaires fut néanmoins distribuée gratis, comme le désirait George Sand.

Nous voyons donc que Mme Sand rendit notoire cette déplorable histoire et porta secours à la malheureuse fille. Elle s’avisa, de plus, de profiter de cet épisode, comme d’une fusée d’alarme, pour éveiller la conscience sociale dans l’obscure et inerte population de la Châtre.

Ces trois entreprises que George Sand s’était ainsi proposé d’accomplir eurent, chacune séparément, des résultats flagrants, quoique pas toujours désirables et agréables pour Mme Sand.

Tout d’abord, la publication de la brochure provoqua une seconde enquête judiciaire sur l’affaire de Fanchette et mécontenta toutes les autorités locales : on intenta un procès officiel a Mme Sand, elle fut même menacée d’arrestation, mais George Sand prouva qu’elle n’avait rien avancé qui ne fût vrai. Elle parvint à réellement sauver Fanchette et à lui faire un meilleur sort, Et l’exclamation spontanée : « Que ne pouvons-nous faire un journal ! » devint l’étincelle qui éclaira la conscience locale : l’Éclaireur de l’Indre fut fondé.

Le 3 novembre 1843 George Sand écrit à Mme Marliani :

La pauvre Fanchette a été ramenée de brigade en brigade à l’hospice, souillée, comme je le prévoyais, enceinte, dit-on. Et elle n’a pas quinze ans ! Nous allons nous remuer, mes amis et moi[1], pour la retirer des mains de ces religieuses qui lui feraient expier la honte de leur conduite, et pour adoucir la misère. Toute notre population est émue jusqu’au fond de l’âme de cette affreuse histoire, qu’elle savait et qu’elle commençait à oublier. À chaque ligne de mon article, tout le monde s’écrie : « C’est à ne pas le croire, mais nous en avons été témoins ! » L’esprit est ainsi fait. On voit sans voir, et il faut être poussé pour comprendre ce qu’on voit…[2].

  1. Les amis qui furent les aides et les collaborateurs de Mme Sand dans l’affaire de Fanchette, étaient ces mêmes compagnons berrichons de sa jeunesse, qui avaient jadis été « hugolâtres » comme elle (cf. t. Ier, p. 284-312.), auxquels elle avait adressé ses épîtres collectives drolatiques, et qui, plus tard, s’acharnaient avec elle à la « solution de la question sociale » (cf. t. II, p. 184-85), c’est-à-dire : Duvernet, Fleury, Dutheil, Papet, Planet, Néraud et Rollinat.
  2. Inédite.