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foi, avec moquerie ou avec colère, feraient quelque impression sur les gens du petit état, et tu sais que ce sont ceux-là qui m’occupent. Les plus bêtes d’entre eux sont plus éducables, selon moi, que les plus fameux d’entre nous, par la même raison qu’un enfant inculte peut tout apprendre, et qu’un vieillard savant et habile ne peut plus réformer en lui aucun vice, aucune erreur. Ceci ne s’applique qu’à notre génération ; ce serait nier l’avenir, et Dieu m’en préserve ! Tout le monde se corrigera, grands et petits. Mais si nous donnons aujourd’hui quelques leçons aux petits, je suis persuadée qu’ils nous le rendront bien un jour.

Laissons la discussion et parlons de Fanchette, de la vraie Fanchette ; rien ne nous empêche, que je sache, d’ouvrir une petite souscription pour elle. Cela lui ferait du bien, et cela augmenterait le scandale, chose qui n’est pas mauvaise non plus…

Mme Sand voulait créer un petit fonds pour Fanchette, mais elle craignait « qu’une des bonnes œuvres ne paralysât l’autre », et elle priait Duvernet de consulter ses autres amis berrichons : Papet et Fleury, « le Gaulois », pour décider, à qui confier la gestion de cette petite somme. Elle désirait savoir en quelles mains serait placée Fanchette, elle craignait aussi qu’on ne la rendît aux religieuses, qui se vengeraient peut-être sur elle du retentissement de cette affaire. Elle préférait la confier à quelque honnête femme de son village, elle offrait de prendre tous les frais à sa charge, mais elle désirait « que ce ne fût pas en apparence un acte particulier de sa seule compassion, mais le concours de plusieurs, du plus grand nombre possible, d’indignations généreuses ». Et elle ajoutait :

Réponds, qu’en penses-tu ? et si mon idée est bonne, comment faut-il la réaliser ? Faut-il demander l’autorisation de sauver Fanchette à ceux qui l’ont perdue ?…

Il ne fut cependant pas si aisé que cela de faire paraître Fanchette en province : tous les typographes intimidés par les autorités refusèrent l’un après l’autre d’éditer la brochure. Ce fut ce même Arnault qui consentit à imprimer en qualité d’ « extraits tirés à part » les articles de la Revue indépendante, et Fanchette parut, modeste brochure de trente et une pages, tirée à cinq cents exemplaires grand in-8°, d’assez piteux