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Mais il se trouva des grues d’Ibycus, témoins de la malencontreuse affaire. Ce furent les enfants de la Châtre, les petites filles qui se tenaient sur le seuil de leurs portes au moment où la servante emmenait Fanchette ; elles lui avaient crié adieu, en la voyant passer, et maintenant elles se mirent à jaser et à demander : « Où est donc Fanchette ? » Ces voix enfantines arrivèrent jusqu’à Charles Delaveau, député et maire de la Châtre, et tout d’un coup, ce ne furent plus les fillettes « qui causaient », mais bien leurs parents, la « mère Cruchon », chez laquelle la servante avait attendu le passage de la diligence, et la « mère Thomas » et beaucoup d’autres. Delaveau, horripilé, se mit à questionner, à chercher et ordonna une enquête. Alors tout le monde eut peur : le cocher Desroys, les dames Chauvet et Gazonneau, et les sœurs, et les autorités locales ! Le naïf Desroys raconta tout naïvement comment il avait « ponctuellement rempli les ordres qu’il avait reçus » ; les maîtresses de la diligence, un peu moins naïvement, dirent ce que la supérieure leur avait enjoint de faire, quoiqu’elles s’efforcèrent de se décharger sur le « caractère » de cette supérieure. Quant aux sœurs et aux autorités, elles s’empressèrent de faire passer l’éponge sur l’affaire. Elles expliquèrent que Fanchette « avait cessé de faire partie de l’hôpital », qu’on l’avait fait transférer dans la direction d’Aubusson dans l’espoir qu’elle y trouverait ses parents (quoique personne ne pût dire si elle avait des parents et où ils se trouvaient). Puis on assura qu’on l’avait fait déposer dans une maison voisine d’Aubusson ; puis qu’elle avait été « recueillie dans une maison voisine de cette ville » — deux assertions parfaitement contradictoires ; enfin qu’elle parvint à se soustraire pendant quelque temps à toutes les recherches des autorités locales !… etc.

Le parquet resta inactif du commencement de juillet à la mi-août, six semaines environ. Ce ne fut que grâce à l’initiative et sur les instances de Delaveau, que le sous-préfet (qui jusqu’alors s’était contenté d’adresser une lettre au conseil de l’administration locale et, n’ayant pas reçu de réponse, s’était tranquillisé) intervint maintenant dans l’affaire qui prit le chemin du tribunal. Mais le tribunal… trouva qu’il « n’y avait pas de