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l’orateur indien me revint à la mémoire : « Ils nous promettent la richesse, et ils ont chez eux des hommes qui meurent de faim ! »

Pauvres sauvages, vous avez vu l’Angleterre, ne regardez pas la France !…

Ce morceau, publié en juin 1845[1], est bien évidemment écrit par un adepte, un digne successeur de Rousseau. Deux ans auparavant, en 1843, George Sand accomplit un acte d’humanité, qui, bien qu’il n’eût point un retentissement aussi grand que la défense de Calas et de Sirven, est un fait du même ordre et que le philosophe de Ferney aurait grandement approuvé. Nous parlons de l’histoire de Fanchette. Or, l’histoire de Fanchette fut simple et… horrible !

Au mois de mars de 1843 « une jeunesse d’une quinzaine d’années, assez jolie », mais complètement idiote, « s’est trouvée comme tombée d’en haut » sur la route de la Châtre, à deux pas de la ville, « au droit du pré Burat ». Elle ne put expliquer ni d’où elle venait, ni à qui elle était, elle ne pouvait rien dire en général. La malheureuse erra pendant trois jours dans les champs et aux alentours de la ville, jusqu’au moment où le jeune médecin de l’hospice, le docteur Boursault, l’aperçut au milieu d’une bande d’enfants, qui la taquinaient. Immédiatement il la prit, l’emmena à l’hospice, dirigé par des religieuses, et exigea qu’on l’y reçût. Les sœurs commencèrent par regimber, mais le docteur lui délivra un certificat de maladie et insista jusqu’à ce qu’elle fût reçue. La pauvre enfant, fort douce et fort tranquille, était enchantée — à en juger par ses sourires béats et ses exclamations inarticulées — d’être au chaud, bien nourrie et proprement vêtue. Bientôt elle s’attacha aux enfants de l’hospice, qui l’aimaient à leur tour, et à l’hospice lui-même, si bien, que lorsque les sœurs, à qui elle était à charge, ne pouvant la chasser, parce que le préfet avait ordonné de la garder, la confièrent à une femme, la mère Thomas, qui

  1. Cf. avec la lettre de Chopin à ses parents, datée du 20 juillet 1845, où il raconte la mort de la pauvre femme du Nuage blanc et le départ de la tribu des Ioways pour l’Amérique, et où il annonce qu’on est en train d’élever à Paris un monument funèbre à la mémoire de la pauvre Indienne morte.