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…Je me suis tourmenté tout seul et j’ai cherché tout seul une solution, qui, sans augmenter les sacrifices de Viardot, n’imposât pas de sacrifices à vous, qui n’en devez pas faire de ce genre. Après tout, me suis-je dit, quel est le résultat et quel mal avons-nous fait ? Vingt mille francs ont été employés, dont dix mille ne sauraient vous toucher en aucune façon. (N’est-il pas vrai que vous n’êtes pas plus tendre que moi pour ces écus-là, dont la perte ou l’emploi n’a fait de mal à personne, et n’a coûté aucun sacrifice ?) Sur les autres dix mille, avancés par notre ami, il est rentré, par ses articles, dans le tiers environ. C’est donc sept mille francs de perte ! Que ne puis-je les lui restituer au centuple ! Mais Dieu m’est témoin que depuis tant d’années que je vis et souffre, je ne me suis pas mis en demeure pour cela.

Alors j’ai pensé que nous ne pouvons rien faire de mieux que de chercher, parmi ceux qui approchent le plus de nos opinions, quelqu’un qui vînt au secours de Viardot et qui continuât cette Revue que nous ne pouvons pas soutenir jusqu’à un succès complet…

Leroux s’étant adressé à Pététin[1], ce dernier accepta cette offre avec beaucoup de bonne volonté et espérait rassembler la somme nécessaire, mais Leroux s’adressa encore à Jules Pernet, qui était apte à continuer la Revue. Leroux n’avait rien dit de décisif ni à l’un ni à l’autre, les priant tous les deux de lui garder le secret, jusqu’à l’arrivée à Paris, au mois d’août, de Mme Sand et de Viardot, qui décideraient de l’affaire.

Je vois dans cet arrangement, continue Leroux, plusieurs avantages. 1° La Revue se continuerait. 2° Elle continuerait à être rédigée honnêtement, ce qui est indispensable : autrement il vaudrait mille fois mieux la détruire. 3° Elle réussirait, je crois, car la seule condition pour la faire réussir, c’est de la faire paraître, comme la Revue des Deux Mondes, tous les quinze jours, en y ajoutant une revue bibliographique plus étendue et plus soignée, mais cela exige une mise de fonds et un cautionnement. 4° Vous auriez donc à votre disposition l’instrument de publicité qui vous est nécessaire, en même temps que vous feriez vivre une publication utile. Croyez, chère amie, que c’est surtout ce dernier motif qui m’a fait penser à cette continuation de la Revue. J’ai vaincu la véritable jalousie que m’inspire l’idée de notre association rompue dans la forme actuelle. Je savais bien d’avance et

  1. Anselme Pététin, homme politique et administrateur fort connu (né en 1807, mort en 1873), d’abord républicain, il se rallia ensuite à l’empire et remplit diverses fonctions sous le régime napoléonien.