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passé. Être infortuné, tu n’es point heureux, parce que tu n’es pas bon.

Mais, au contraire, quelle vénération m’inspirent certaines figures, quel charme il y a pour moi dans certains sons de la voix humaine, quelle confiance entière et subite provoquent chez moi certains regards, certains sourires qui me rappellent un ami mort ou absent !

Vous me direz, peut-être, que la ressemblance extérieure n’entraîne pas la ressemblance morale. Oh ! oh ! ceci est une autre affaire. Ce n’est pas parce qu’un trait dans le visage d’un honnête homme me rappellera le visage d’un fripon que je croirai à l’analogie complète de caractère. Mais, à coup sûr, ce trait rappelle quelque chose du caractère du fripon. Ce ne sera pas sans doute le vice principal, si le trait n’est pas principal. Mais ce sera un des défauts accessoires, la vanité, l’amour des richesses, une tendance de nature vers le même vice, plus ou moins vaincu par l’éducation et par le contrepoids de meilleurs instincts qui ont manqué au fripon. Tenez-en bien compte, mais ne vous fiez point trop pourtant à cet honnête homme et ne le tentez jamais.

C’est donc pour vous dire qu’il n’y a pas d’individu isolé dans l’humanité. Il y a des types, qui sont tous frères les uns des autres et enfants du souverain type. Ces types se relient les uns aux autres par mille chaînons et la race humaine tout entière n’est qu’un vaste réseau, où chaque homme n’est qu’une maille. À quoi servirait cette maille séparée du filet ? Et que pourrait-on faire d’un filet où tous les fils se rompraient un à un ? Cette consanguinité des membres de la famille universelle est écrite en traits indélébiles sur nos faces, et c’est en vain que nous chercherions à la répudier. Elle se rit de nos efforts depuis le berceau de la race humaine jusqu’à nos jours…


Il n’y a pas à s’étonner, après tout ce que nous avons dit, que George Sand ait pu écrire à Mme Marliani, le 26 mai 1842, à propos de Consuelo : « Je pense que le vieux doit être content de moi. »

Il n’y a pas à s’étonner non plus que ce dernier fût vraiment enchanté du roman et qu’il l’exprimât avec son emphase habituelle.

En accusant réception de la quatrième partie du manuscrit de Consuelo et en annonçant que la « composition » à l’imprimerie en était déjà presque finie, il écrit plus loin :

J’aurais dû aussi vous remercier instantanément de votre lettre, qui m’a apporté toutes sortes de consolations. C’est vous qui êtes