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à personne », elle promena son inspiration musicale de hameau en hameau, accompagnée de son mari et de son fils Zdenko, qui chantait, tandis qu’Albert jouait du violon et Consuelo de la guitare. Ils acceptaient en échange de leurs chants et de leur musique non pas de l’argent, mais « l’hospitalité religieuse du pauvre ». (« Tout ce qui n’est pas échange, doit disparaître dans la société future. ») Consuelo éveille l’idéal dans les cœurs purs des prolétaires, elle recrute de nouveaux adeptes et de nouveaux serviteurs à la musique, elle apporte la consolation et l’enthousiasme aux pauvres gens par son don divin[1], et elle n’a besoin ni d’argent, ni de propriété, ni de gîte : elle passe la nuit chez les uns, elle reçoit des habits et sa nourriture chez d’autres. Quant aux riches, elle ne permet point à ses enfants d’accepter leur aumône, ils « ne peuvent rien échanger » avec elle et sa famille, c’est elle au contraire qui « leur fait l’aumône » en chantant gratis sous leurs fenêtres, parce qu’ « ils sont aussi ses frères, comme le pâtre, le laboureur et l’artisan ».

Le dernier chapitre du roman est une lettre de l’illuminé Philon (ou Knigge) à l’illuminé Martinowicz. Le susdit Philon y raconte comment le célèbre Adam Weishaupt, le chef de l’illuminisme, vint au fond de la Bohême rechercher Albert, afin d’être initié par lui à la suprême vérité. L’ayant trouvé, il s’émut à la vue de son existence d’artiste, libre et idylliquement simple. Weishaupt (ou Spartacus) est à même d’écouter d’abord son jeu de violon inspiré, tout un « poème symphonique », sans programme, mais tout aussi explicite pour les auditeurs, que s’il leur avait prêché en langue parlée sur les souffrances passées, présentes, et sur la félicité future de « l’Humanité, une et éternelle ». Puis Spartacus entend une ballade, composée par Consuelo, chantée par son fils adolescent, Zdenko (l’une des plus charmantes pages de George Sand, intitulée : la Bonne déesse de la pauvreté, si souvent réimprimée dans différents recueils). Enfin il entend tout un petit traité de philosophie, emprunté à Pierre Leroux, sur la Sainte Tétrade ; sur la triple nature de chaque

  1. Ne pouvant plus chanter, elle compose les morceaux inspirés pour son fils. On voit que Consuelo possède tous les talents de Mme Viardot.