Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/374

Cette page n’a pas encore été corrigée

n’est point mort, qu’il s’est endormi d’un sommeil léthargique et a été sauvé de la sépulture par sa mère, cette même Wanda de Rudolstadt, qui, vingt-sept ans auparavant, faillit être enterrée vive elle aussi. Dès l’enfance d’Albert, invisiblement et incessamment, elle avait veillé sur lui. À présent, quoique femme, elle est un des chefs supérieurs des Invisibles. Consuelo apprend encore qu’Albert est complètement guéri de sa maladie nerveuse, qu’il l’aime toujours, mais ne veut point d’un amour forcé de sa part. C’est bien lui, et non son fantôme, qui apparut à Consuelo à l’Opéra de Vienne et au théâtre de Berlin ; le mystérieux Trismégiste c’était aussi lui ; c’est lui encore qui a présidé la séance d’une loge de Rose-Croix, lorsque Cagliostro l’a laissé entrevoir à Consuelo à travers la fente d’un rideau ; c’est toujours lui qui se trouvait dans un des cachots de Spandau, voisin de celui où elle était enfermée, et y jouait du violon. Il se livre dans l’âme de Consuelo une lutte terrible entre le désir de rester fidèle à cet époux mystique et son amour réel pour Livérani. Heureusement Livérani et Albert ne font qu’un !

Consuelo sort donc victorieuse de cette dernière lutte, comme de toutes les épreuves maçonniques ; elle est simultanément reçue dans la loge des Invisibles et promue épouse d’Albert de Rudolstadt. Wanda, sage comme une sibylle, riche d’expérience du cœur féminin et pour cela même chargée par les Invisibles du suprême jugement en matière sinon de législation matrimoniale, du moins de conseils matrimoniaux, proclame maintenant, lors du nouveau mariage d’Albert et de Consuelo, une doctrine qui doit devenir la loi de l’humanité. C’est l’amour dans le mariage qui constitue la base et la sainteté du mariage. Cette doctrine est très remarquable, d’abord parce qu’elle marque la longueur du chemin parcouru par l’auteur depuis Indiana ; puis parce que c’est le résumé des théories de Leroux sur les problèmes du mariage et sur la « question féminine ».

… Savez-vous bien ce que c’est que l’amour ? ajouta la sibylle après s’être recueillie un instant et d’une voix qui devenait à chaque instant plus claire et plus pénétrante. Si vous le saviez, ô vous, chefs véné-