vées ; un réseau imperceptible entoure les palais des princes et les chaumières des pauvres ; la bienfaisance privée comme les événements historiques futurs, tout dépend des Invisibles[1].
Consuelo est soumise à un long noviciat et à de nombreuses épreuves avant de recevoir l’initiation. Remarquons que parmi les pages de George Sand, les plus surprenantes par leur puissance et leur force de sentiment sont celles où est narrée la dernière épreuve, à laquelle les Invisibles soumettent Consuelo pour lui inculquer une aversion éternelle, une haine implacable pour tout ce qui est érigé sur la violence. En parcourant les souterrains du castel, pleins d’instruments d’horribles supplices, où tous les murs étaient éclaboussés de sang et où même le sol friable n’était que de la poussière des os de milliers de victimes, Consuelo peut étudier sur nature tous les forfaits, tous les crimes par lesquels les puissants de ce monde assuraient leur pouvoir. Ce chapitre évoque le souvenir de cette page des Pictures from Italy, où Dickens déclare que le jour où il visita les cachots, glaçants d’horreur, du Castel Sainte-Ange, où furent suppliciées tant de victimes et où restaient encore tant d’instruments d’une cruauté bestiale, il comprit parfaitement la rancune haineuse du peuple lors de la révolution vénéto-napolitaine. (Nous avons noté dans le chapitre premier de ce volume l’impression que Mme Sand rapporta de sa visite au Palais de l’Inquisition, lors de son voyage en Espagne en 1838, et qui lui inspira cette page de Consuelo.)
Au milieu de toutes ces émotions et de tous les rites de l’initiation maçonnique, le cœur de Consuelo est soumis à une plus dure épreuve. Quoique ayant été deux fois fiancée (à Anzoletto d’abord, puis à Albert), elle n’a pas connu le vrai amour. Or, elle tombe éperdument amoureuse de Livérani ; elle éprouve la vraie passion, qui ne gît ni dans l’imagination ni dans le raisonnement, mais dans le cœur. Elle voit qu’elle est aimée, et en même temps, elle apprend qu’Albert
- ↑ On dirait que Mme Sand apparaît dans ce qu’elle dit des Invisibles, comme le prédécesseur ou l’inspiratrice du livre de Tallmayer sur le rôle joué par les francs-maçons dans tout le mouvement du dix-huitième siècle.