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piété filiale et sa vénération d’artiste pour ce vieux mentor bourru.

Mais autant les choses artistiques et la liberté de mouvements avaient manqué à Consuelo au château des Géants, autant ici, au beau milieu de la vie artistique, avec ses relations si diverses, elle soupire après l’existence passée jadis auprès d’Albert, existence toute pénétrée d’idées et d’intérêts d’un ordre supérieur. De plus en plus souvent elle se met à songer à la promesse donnée à Albert. Mais, avec le despotisme d’un vrai artiste fanatique, Porpora, auquel elle a confessé son amour romanesque, ne lui permet pas de quitter la scène pour se marier avec le comte de Rudolstadt, il intercepte et détruit les lettres qu’elle écrit à Albert, espérant rompre ainsi tout lien entre les fiancés. Il se permet d’écrire lui-même, au nom de Consuelo, au vieux comte Christian, dans un sens tout opposé à sa propre pensée, s’imaginant sauver ainsi Albert, d’une démarche généreuse, mais insensée, et Consuelo de sa perte. Consuelo ne recevant de lettres ni d’Albert ni de son père, s’imagine qu’ils ont renoncé à leur romanesque projet d’alliance. Aussi, lorsque par suite d’une maladie de la signora Tési et du repentir soudain de la Corilla, elle débute avec le plus grand succès, dans Zénobie, elle se jette avec délices dans le remous de la vie de théâtre qui l’effrayait et l’attirait toujours, avec ses sensations de triomphe, ses intenses émotions artistiques, ses labeurs et ses joies ; elle voit qu’elle a trouvé sa vraie vocation : l’art sera l’unique passion de toute sa vie ! Elle est, cependant, un peu intimidée par certains phénomènes mystérieux qui se produisent autour d’elle. Tantôt c’est une branche de cyprès funèbre qu’on lui jette sur la scène, tantôt elle voit l’ombre d’Albert passer devant elle alors qu’elle déclare à Haydn, avec lequel elle s’entretient derrière les coulisses, qu’elle ne peut pas vivre hors du théâtre. Sur ces entrefaites, malgré son succès, elle n’est pas engagée à Vienne ; le Porpora signe en leur nom un contrat avec l’Opéra de Berlin. Tous deux s’y rendent, elle, pour chanter, lui, pour diriger l’orchestre. En route, ils acceptent l’invitation du comte Hoditz. Ils font un court séjour à Rosswald,