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ce temps-là, comme en tous les temps, à Vienne et partout, le succès dépend moins du talent, que de l’adresse et du savoir-faire. La vertu aussi est bien plus souvent récompensée sur la scène des théâtres que dans la vie réelle. C’est ainsi que la Corilla passe aux yeux de la prude Marie-Thérèse pour une noble veuve et obtient, grâce à la protection du comte Kaunitz, — le favori omnipotent, — un engagement à l’Opéra, tandis que Consuelo est jugée indigne de faire partie de la troupe impériale : son amitié avec Haydn et même ses soins pieux pour l’enfant, baptisé par le prélat mélomane, sont déclarés suspects et criminels.

Nous voyons défiler toute une galerie de portraits historiques et mi-historiques des hommes du dix-huitième siècle, du théâtre de Vienne et de la cour, à commencer par la signora Tési et le sopraniste Caffariello, les compositeurs et poètes : Buononcini, Holzbaüer et Metastasio, et les mélomanes, tels que l’ambassadeur vénitien Corner et sa maîtresse en titre, — la Wilhelmine, et à finir par les plus grands personnages de l’Empire autrichien, comme notre vieil ami le comte Hoditz, le premier ministre comte Kaunitz, la margrave de Bayreuth, la princesse de Culmbach sa fille, les deux barons de Trenk, — Trenk le Prussien que nous connaissons déjà, et Trenk le terrible pandour hongrois, — et jusqu’à l’hypocrite et majestueuse Marie-Thérèse elle-même. L’auteur nous fait assister tantôt à une petite soirée musicale intime chez la Wilhelmine[1], tantôt à l’exécution solennelle de l’oratoire la Béthulie libérée à la chapelle de la cour. Il nous mène derrière les frises de l’Opéra pendant une répétition de Zénobie ou d’Antigone, et dans le salon doré de l’épouse férocement froide et pleine de morgue du comte Hoditz, — la margrave de Bayreuth ; il fait, de plus, alterner les pages où sont narrées les luttes, les émotions, les défaites et les victoires artistiques de Consuelo, — avec les pages reflétant la vie intime de Haydn et de Consuelo chez le Porpora, sa

  1. Cette dame est encore un portrait : celui de la femme d’un secrétaire d’ambassade, rencontrée par Pauline Viardot à une matinée musicale, que Mme Viardot décrit avec beaucoup d’humour.