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tance ; elle souffrit, languit et mourut. Albert dès son enfance se distingua par un caractère bizarre, sombre et rêveur ; il vit apparaître le fantôme de sa mère ; tout adolescent il voulut résoudre différents problèmes sociaux, il mit inconsciemment en pratique toutes les doctrines démocratiques et chrétiennes des taborites ; le souvenir des forfaits commis par ses nobles ancêtres et l’apostasie intéressée d’Ulrique le désespéraient, il avait des crises de démence, s’il voyait triompher le mal, l’injustice et la violence. Il étudia avec une persévérance passionnée, s’adonna avec acharnement à des recherches ; il voyagea beaucoup et tomba enfin dans l’état de maladie nerveuse décrit plus haut, annonçant qu’une « consolation » lui serait envoyée du ciel vers sa trentième année ; au dire des voisins, il devint simplement fou. Ses parents, toutefois, espérant sa guérison, voulaient lui faire épouser sa jeune et pimpante cousine Amélie. Mais Albert n’y songeait point. Et voilà que juste la veille du trentième anniversaire d’Albert, une tempête se déchaîne autour du morne château, et alors que la famille des Rudolstadt se morfond dans le grand salon triste, Albert s’écrie qu’une « âme, poussée par l’orage, s’approche d’eux, que les temps du courroux de Dieu sont écoulés, que l’expiation touche à sa fin », et que même le vieux chêne, appelé le Hussite, témoin des anciens crimes des Rudolstadt, est brisé par la tempête… Et immédiatement Consuelo paraît.

En peu de jours la jeune fille charme tous les habitants du château par sa franchise, sa douceur et son chant sublime ; Albert lui-même, insensible à tout ce qui l’entoure, semble renaître à la vie aux sons de sa voix. Mais la pauvre Consuelo, petit oiseau du rayonnant Midi, habituée à la vie d’artiste, libre, pleine d’émotion, se sent comme enterrée vive au milieu des sombres habitants du château des Géants. Lorsqu’elle apprend l’histoire de la maladie d’Albert, elle se prend cependant de sympathie pour cette âme troublée et chercheuse ; elle s’aperçoit que son chant est bienfaisant à ce nouveau Saül, et quand Albert disparaît de nouveau, au désespoir indicible de sa famille, et qu’il reste absent plus longtemps que de coutume,