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sentiments de cette catégorie, si elle-même n’avait pas vécu, en son âme, le développement progressif de l’idée religieuse, passé par cette série d’évolutions progressives de la conscience humaine (ou, d’après Leroux, de la conscience de toute l’humanité) qui constituent la donnée principale de Spiridion.

Malgré cela, Leroux apparaît quant à la doctrine sous l’aspect du maître, du guide, du sage.

Mais si nous envisageons le côté moral et pratique, alors la correspondance entre Leroux et George Sand (nous avons eu la chance de lire et de copier plus de soixante lettres de Pierre Leroux, plusieurs lettres de ses frères et gendres, et des lettres à eux adressées par George Sand), cette correspondance, disons-nous, témoigne que, dans leurs rapports personnels et privés, le premier rôle, le rôle du fort, de l’aîné, du conseiller, du consolateur et du protecteur, le rôle du bienfaiteur dans le sens vrai et exact du mot, revient à George Sand. Leroux, dans ses lettres se plaint : du sort, des hommes, des circonstances, du travail au-dessus de ses forces, du manque d’argent et du guignon en toutes choses (ce qui est très compréhensible, vu sa misère éternelle et ses dettes presque inextricables). Il demande perpétuellement tantôt un conseil, tantôt une consolation ou l’éclaircissement de ses doutes, tantôt il s’excuse, et il demande, et il prie, il prie et il demande… Et ce qu’il faut noter dans les lettres de Leroux, écrites pour la plupart en un langage extra-nébuleux, ampoulé, fourmillant de comparaisons embrouillées et d’explications vagues, c’est qu’à côté de ce ton général de faiblesse, de plaintes, de gémissements perpétuels, on y trouve, à la parfaite consternation des admirateurs et disciples de Leroux, une constante reconnaissance de la supériorité morale et intellectuelle de sa correspondante. George Sand tantôt le console et le calme, tantôt elle le conseille, lui arrange quelque affaire. C’est ainsi par exemple que, lors de la fondation de la Revue indépendante, elle ne se fit l’un des éditeurs actionnaires et des co-rédacteurs que dans le but de donner à Leroux la possibilité de propager ses idées, ainsi que celle de gagner sa vie, et elle n’y publiait ses romans que pour « attirer les badauds ». Tantôt