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caste, — que l’auteur de Consuelo trancha carrément par l’amour du noble comte Albert pour la pauvre fille d’une chanteuse ambulante bohémienne, sans famille, sans nom, sans patrie, — et à terminer par la doctrine du « progrès continu ». Ce dernier point trouve son expression dans la glorification de la secte slave des taborites qui, selon l’auteur, auraient été au moyen âge les représentants du progrès, les gardiens du plus pur idéal chrétien, social et démocratique (ils symbolisaient, dit-on, leur constante « union et communion avec l’humanité » par de continuelles « agapes fraternelles » avec le premier venu ; ils « communiaient sous toutes les espèces », comme l’assure ironiquement l’un des personnages secondaires du roman, la jeune baronne Amélie, chargée par l’auteur de renseigner Consuelo, et le lecteur, sur les sectes religieuses de sa patrie).

Enfin le quatrième et dernier, et peut-être le plus important, élément du roman, ce sont les théories de Lamennais et des saint-simoniens sur le rôle sacerdotal des artistes, — ce dont nous avons déjà parlé dans notre volume II.

Ces quatre courants peuvent être suivis avec autant de clarté à travers ce merveilleux roman, que les eaux douces des grands fleuves peuvent facilement être distinguées même loin du rivage, au milieu des vertes ondes salines de l’Océan.

Le vieux compositeur Porpora, austère idéaliste, adonné à son art, mais malheureux, toujours bougonnant, aigri et maladivement soupçonneux, a parmi la foule de ses élèves, paresseuses et frivoles demoiselles plus ou moins riches, une pauvre petite orpheline, l’Espagnole Consuelo. Sans aucune tournure, laide, mal mise, hâlée et timide, elle seule, parmi ses gaies com-

    Sand pénétrait profondément les divines créations si nationales de Chopin et que c’est bien vers elles que se portait sa pensée lorsqu’elle disait plus loin qu’en écoutant certains motifs nationaux, bien rendus, elle s’était sentie transportée en Pologne, en Espagne, dans les steppes, dans les montagnes, dans le passé historique d’un peuple, bien mieux que lorsqu’elle lisait des œuvres d’histoire, ou des voyages où ces contrées étaient décrites. D’autre part cette digression sur l’art populaire était on ne peut plus conforme aux idées de Leroux, et c’est pour cette raison — comme nous le verrons à l’instant par ses propres lettres — qu’il apprécia particulièrement ce morceau sur l’art et en complimenta l’auteur.