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teur situa son roman à la moitié du dix-huitième siècle, ce ne fut pas seulement pour la raison donnée dans la préface de l’édition de 1852, c’est-à-dire que cette époque offrait « un intérêt particulier sous le rapport de l’art, de la philosophie et du merveilleux, trois éléments produits par ce siècle, d’une façon hétérogène en apparence et dont le lien était cependant curieux et piquant à établir sans trop de fantaisie… ». Ce fut aussi — nous dirions surtout — parce que ce fut à cette époque que vécurent les grands chanteurs et les grands compositeurs dont Chopin et Pauline Viardot ressuscitaient les œuvres dans le vaste salon de Nohant ou dans le petit appartement de la rue Pigalle. George Sand eut toujours pour elles une prédilection. Elle leur était restée fidèlement attachée depuis ses premières années d’enfance, alors que son aïeule, cette charmante Marie-Aurore de Saxe, en s’accompagnant sur un clavecin tant soit peu grêle, exécutait de sa petite voix chevrotante, mais avec beaucoup de style et une pureté de goût sûr, des airs d’oratorios du dix-septième siècle, ou des morceaux d’opéras et des pastorales du dix-huitième siècle sur des textes élégamment maniérés du Métastase. Dans un petit carnet d’Aurore Dupin, datant de l’époque de sa sortie du couvent, on peut lire les paroles d’un de ses airs favoris de Haydn, composées par ce poète de la cour de Vienne :

    Gia riede la primavera
    Col suo fioritto aspetto,
    Gia il grato zefiretto
    Scherza fra l’erbe e i fior.
    Tornan le frondi agli alberi,
    L’erbette al prato tornano,
    Sol non ritorna a me
    La pace del mio cor.

Mais en faisant, dans un des chapitres du roman, chanter à sa Consuelo devant le Porpora cette pastorale que Haydn aurait fraîchement composée dans la matinée même, George Sand ne manqua pas non plus, dans un autre chapitre, de lui

    cette admirable figure. Ce sera sans doute ce que j’aurai fait de mieux dans ce monde… »