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de Consuelo (1841-1843), remplies de faits et d’éléments les plus intéressants, les plus divers, contribuèrent beaucoup à la richesse et à la variété des épisodes de cette grandiose épopée. D’une part George Sand s’assimila complètement les doctrines métaphysiques, religieuses et sociales de Lamennais et de Leroux ; d’autre part, comme nous l’avons vu, grâce à Chopin et à Mickiewicz, les intérêts polonais, les idées slaves eurent leur libre cours dans sa vie. Ces idées la remuèrent profondément, surtout celles qui, conformément aux théories de Leroux, préconisaient le rôle échéant à chaque peuple dans la marche triomphale du « progrès continu de l’Humanité ». Grâce à Chopin encore, Mme Sand vivait alors dans une atmosphère éminemment artiste. Elle subissait de plus le charme souverain de l’individualité artistique de Pauline Viardot qui lui semblait une vivante incarnation des doctrines des saint-simoniens, de Liszt et de Lamennais sur la vocation suprême des artistes. Et quoiqu’il soit vrai que certains traits et faits de la biographie de la célèbre Mara[1] aient servi pour écrire quelques épisodes et quelques détails de la vie de Consuelo, il n’en est pas moins irréfutable que George Sand fit cette fois ce qu’elle ne faisait que rarement : c’est en toute conscience qu’elle copia sa bohémienne hispano-vénitienne sur son amie Pauline Viardot[2]. Il nous semble aussi que si l’au-

  1. Elisabeth-Gertrude Mara, célèbre cantatrice dramatique (1749-1833).
  2. Il est très intéressant de noter que Mme Viardot le savait déjà au moment où s’écrivait et se publiait le roman. C’est ainsi que dans sa lettre du 29 juillet 1842 de Grenade, en racontant à Mme Sand comment les époux Viardot y furent fêtés par les membres du Lycée, société musicale et littéraire grenadine, et comment, pour les en remercier, la célèbre cantatrice avait pris part au grand concert-gala, arrangé en son honneur dans la Salle des Ambassadeurs de l’Alhambra, Mme Viardot dit plus loin qu’elle y avait parlé avec un fils d’Arabe, dont Ralph était l’idéal », que l’auteur d’Indiana avait en général parmi les membres de ladite Société « une foule d’apasionados » et que son portrait ornait la grande salle du Lycée « comme une madone ». Et enfin, elle ajoute (à propos du « fils d’Arabe » toujours) : « Vous voyez qu’il ne connaît pas Consuelo, Consuelo qui nous fait frémir, rire, pleurer, réfléchir. Oh ! ma chère ninonne, que vous êtes admirable et que vous êtes heureuse de pouvoir procurer de semblables jouissances à ceux qui lisent vos œuvres. Je ne puis pas vous dire ce qui se passe en moi depuis Consuelo, seulement, je sais que je vous en aime dix mille fois davantage et que je suis toute fière d’avoir été un des fragments qui vous ont servi à créer