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lequel je suis dans les meilleurs rapports et qui m’a souvent rendu service. Il a dignement répondu à cette infamie, sa femme et lui ont fait exprès le voyage de Meaux pour venir me voir et ils pleuraient en m’embrassant. Cette démarche leur donne mon cœur à jamais, je n’aurais pas fait mieux dans mes jours de meilleures inspirations. N’est-ce pas, madame, que c’est beau ! Je voudrais n’avoir que des choses comme celle-ci à vous conter, et pourtant il me reste encore une confidence pénible à vous faire. Mon frère a été aussi arrêté à Paris, chez mes père et mère. J’ignore s’il est coupable, mais je sais qu’il est d’une simplicité telle que si l’instruction n’est pas faite de bonne foi, on tirera de lui tout ce que l’on voudra. Il est détenu au fort de Romainville, privé d’air et de soleil sans doute, couché sur une paille immonde, dans l’infection et l’humidité, sans-un ami pour le conseiller et lui donner espérance ; on ne peut ni le voir ni lui parler. Jugez quelle est la position de mes pauvres vieux parents : sur trois frères que nous sommes, deux qui sont en prison, et qui sait ce qui peut leur advenir ! L’autre fait depuis sept ans la guerre en Afrique, et qui sait s’il en reviendra ! Vous avez été mère malheureuse, je le sais, comparez-vous à la mienne aujourd’hui. Quand verrons-nous la fin de ces tortures ? Ne vous tourmentez plus, je vous prie, pour nous envoyer de l’argent. Je reçois des secours de différents côtés et j’aurai de l’ouvrage dès que je serai libre. Du reste, je vous promets de ne jamais rester dans le besoin sans vous le faire savoir. Adieu, madame, mes bonnes amitiés à tous ceux qui vous entourent et bonne espérance pour l’avenir. Vive la République !

Gilland.