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tas de lettres de George Sand et à George Sand, si nombreuses dans la période de 1838 à 1862, on a la sensation que rien que cette correspondance, si extraordinairement animée, remplirait toute une vie, sans y ajouter le labeur littéraire. Or, l’énumération des travaux de George Sand parus dans la seule Revue indépendante, dirigée par Leroux et ses successeurs, nous a montré quel travail George Sand accomplit en ces années-là !

Nous ne pouvons mieux clore notre récit des relations entre George Sand et les poètes populaires, qu’en citant une lettre que Gilland lui écrivit de la prison de Meaux en août 1848.


Prison de Meaux, août 1848.
Bonne chère madame,

Vous êtes toujours la même pour nous, attentive et bienveillante comme une sœur, dévouée et sympathique comme une mère. Ma femme a reçu les cinquante francs que vous nous avez envoyés, si je ne vous en ai pas accusé réception plus tôt, c’est que j’espérais toujours vous donner une bonne nouvelle, mais rien de changé dans ma position. J’attends l’heure de la justice, bien lente à venir ; je l’attends sans inquiétude et sans impatience. Merci mille fois, madame, pour les deux secours : la lettre et l’argent ; j’avais besoin de l’un et de l’autre. Vous ne vous jugez jamais assez bien pour comprendre le bonheur que j’ai à vous lire. L’aumônier de la prison m’a prêté les Pères de l’Église ; je lis saint Bernard ; il y a des pages sublimes dans ce livre. Eh bien ! je prends alternativement saint Bernard et vos lettres et mon cœur éprouve plus d’allégement avec vous qu’avec lui. Il nous charme, il nous domine, il nous attire, mais tout à coup le voilà qui devient impérieux et sévère au point de nous atterrer, de nous confondre et de nous faire trembler ; il est trop saint ! Vous, vous avez sa grandeur, ses lumières, sa puissance pour convaincre, son humilité devant Dieu, et vous ne faites pas peur ; on vous suivrait partout. Mais vous êtes si triste ! Le deuil de votre âme est immense, comme les malheurs que vous déplorez. Courage, ma sœur. Vous qui avez tant de pouvoir ; vous, qui êtes si forte, si grande, si complète, si féconde, que deviendrons-nous si vous faiblissez ? Il faut encore croire aux hommes, au dévouement, à l’abnégation, aux vertus, à la bonté qui s’éteint peut-être dans les âmes qui doutent, mais qui renaît toujours dans celles qui espèrent. Oh ! que je voudrais être auprès de vous et