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feront lire bien des bonnes gens qui n’avaient encore jamais lu. Rien n’a d’attrait et n’excite la curiosité chez les gens simples comme ces figures, qui parlent sur le papier et qui semblent dire : « Lisez, si vous voulez m’entendre. » C’est surtout dans nos villages que vos œuvres vont maintenant se répandre, et quel bien on en ressentira ! Que de femmes vous allez attendrir, relever, encourager au bien et à la vertu ! Que d’hommes vont se modifier à votre parole, se réformer, sentir germer en eux les sentiments qui élèvent et les convictions qui fortifient ! Je crois les voir, le soir, à leurs foyers, bien tranquilles auprès de leurs petits enfants et de leur femme, qu’ils respecteront au lieu de l’outrager et qui les bénira à son tour, pour leur douceur, au lieu d’avoir épouvante de leur brutalité. Je vous en dis merci pour moi, madame, je vous le dis aussi pour nos pauvres frères, que vous allez initier avec les beautés de l’art et de la poésie et qui vont vous glorifier dans le secret de leur âme, sans vous avoir vue et sans vous connaître. Il n’y avait guère, jusqu’à présent, que les bourgeois qui lisaient vos livres, et puis nous autres, les ouvriers studieux, mais aujourd’hui la lumière va descendre aux masses tout entières et les réchauffer comme les rayons du soleil…

Où Mme Sand prenait-elle des forces et le temps nécessaire pour trouver au milieu de son labeur sans trêve, à l’apogée de son activité littéraire, publiant chaque mois des romans, des préfaces et des articles, la possibilité de mener de front cette énorme correspondance avec tous ces poètes, de vivre de leur vie et de leurs intérêts, de suivre chacun d’eux dans les moindres détails de son existence, de faire presque quotidiennement la connaissance de nouveaux représentants du prolétariat intellectuel, des partis républicains, des hommes de lettres et d’une quantité de jeunes gens de Paris et de la province, devenus plus tard célèbres ou illustres et qui faisaient alors leurs premiers pas dans la carrière politique, publique ou littéraire ? C’est ainsi qu’elle fit en ces mêmes années la connaissance ou se lia d’amitié avec Henri Martin, Louis Blanc, Ledru-Rollin, Fulbert Martin, Nadaud, Alexandre Lambert, Émile Aucante, Luc Desages, Ernest Perigois, Patureau-Francœur, Marc Dufraisse, Lumet et sa famille, Anselme Pététin, Théophile Thoré, etc., sans parler des frères Leroux, des Arago et de tous les vieux amis. Quand on a parcouru le