Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/346

Cette page n’a pas encore été corrigée

servit de modèle. Ceci nous ramène à notre jeune serrurier poète.

La correspondance entre Mme Sand et Gilland diffère beaucoup de celle avec Poncy, où, à côté des choses publiques, Mme Sand traite surtout les questions purement littéraires ; elle ne ressemble également point aux naïves, railleuses et touchantes lettres du père Magu. Gilland fut un républicain intransigeant, un révolutionnaire, c’est pour cela que ses lettres et celles de George Sand touchent surtout aux questions d’ordre politique. Le ton sérieux y domine, l’accent de Gilland est même plutôt sombre. Son recueil des Conteurs ouvriers, pour lequel Mme Sand écrivit une préface et qui parut en mars 1849, est empreint de la même note. Mais en même temps les lettres de Gilland et de sa femme montrent qu’ils regardaient Mme Sand comme leur plus grande et intime amie, qu’ils lui faisaient part de chaque joie, de chaque malheur survenus dans leur petit ménage, qu’ils la tenaient au courant des moindres détails de leur existence, sans douter que cela puisse ne pas lui être agréable et important à savoir. Ils savaient qu’elle prendrait tout à cœur, qu’ils trouveraient chez elle un écho à leurs peines et à leurs joies, qu’elle les aiderait toujours en tout. On en trouve la preuve dans les lettres que Gilland écrivit à George Sand, en l’été de 1848, de la prison de Meaux.

Cette sympathie de Mme Sand pour les poètes prolétaires égara le public : on lui attribuait une part exagérée dans leurs œuvres ; on disait simplement qu’elle les écrivait à leur place. C’est du moins ce qui arriva en 1850, pendant le procès qui fut intenté à Gilland à propos des extraits de ses Contrastes sociaux, publiés par le Vote universel. Le procureur Suin, tout en condamnant cette œuvre, s’empressa de remarquer qu’elle était du reste écrite par « une femme célèbre » et seulement signée par Gilland. Gilland fut révolté et écrivit à Mme Sand, trouvant qu’on les insultait tous les deux : elle, en prenant les mauvais écrits de Gilland pour son style, lui, en admettant qu’il pût profiter du travail d’autrui. George Sand changea quelques expressions par trop énergiques et familières de cette lettre, et elle parut, ainsi corrigée, dans le Vote universel, accom-