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6 décembre 1844.

Merci, amie ; merci, bonne ; merci, grande, noble, courageuse. Quand je vous ai envoyé ma lettre l’autre jour, je me mis à penser ce que vous avez pensé sur l’Éclaireur. Ma demande était absurde, que voulez-vous ? Dans la peine extrême, on devient absurde. J’avais envie de vous écrire ; mais j’avais le sentiment que vous sauriez mieux que moi ce qu’il y aurait à faire ou à ne pas faire. Vous l’avez su bien mieux que moi en effet. Maintenant il s’agit pour moi de faire le cadre. Malheureusement j’ai mille choses qui me privent de mon temps. Pourtant je le ferai, je vais le faire. Votre envoi me décide ; j’étais un peu incertain à cause de la rapidité avec laquelle on va juger ; mais quand je devrais me tuer, il faut que ce cadre soit fait. J’y passerai la nuit, s’il le faut, moi qui ne sais pas écrire la nuit. J’écris si difficilement que c’est pitié. Ô grand fleuve de bons sentiments et de grandes pensées, que je voudrais vous ressembler pour défendre cette pauvre femme, et en elle la cause de toutes les femmes ! Est-ce que ces juges qui forcent une femme à se confesser devant eux et cet homme qui vient lui enlever les enfants qu’il n’a pas reconnus et qui ne sont pas à lui ne vous font pas l’effet de sauvages ivres ? Encore les juges peuvent s’excuser par la loi qui, dans son silence, leur permet cette licence en laissant tout à leur arbitraire, mais lui et les avocats payés par lui ?

Marie a plaidé admirablement lundi dernier ; il doit continuer lundi prochain. Il a pris cette cause avec un parfait désintéressement. On le sait, et cela lui fait honneur, en même temps que la considération dont il jouit est bien utile à la défense. Celliez fait aussi un mémoire de faits et de points de droit qui sera très bien rédigé.

Notre amie, Mme Charlotte, s’est occupée de voir la femme d’un conseiller qu’elle connaît. On peut dire en effet de cette cause : Oh ! si les femmes savaient !

J’ai appris avant-hier par elle que Chopin est arrivé et que vous allez bientôt arriver avec Maurice et Solange. Je voudrais déjà que vous fussiez à Paris.

Adieu, amie, à bientôt donc. Quand vous serez ici, si le procès n’est pas jugé (et il ne le sera pas avant quinze jours ou trois semaines), vous me conseillerez, vous m’aiderez, ô bonne, grande, noble, courageuse. Je ne sais que répéter ma kyrielle d’épithètes, et chacune est sentie dans mon cœur.

Mme Sand fut donc, en cette occasion, d’une grande aide pour Achille Leroux qui souffrit, grâce à sa générosité chevaleresque, tout comme « Paul Arsène » à qui Gilland aussi