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romanesque pour une femme perdue qu’il rêva de sauver par l’amour et l’éducation de son enfant. Cet épisode qui précéda son mariage avec Félicie Magu et que Mme Sand avait dû connaître dès 1841, semble avoir inspiré les pages d’Horace où l’auteur raconte la passion profonde de Paul Arsène pour Marthe et ses efforts pour réhabiliter cette fille déchue et élever son enfant par amour pour elle.

Il faut toutefois remarquer que les exemples de générosité chevaleresque de ce genre n’étaient point rares dans le modeste milieu des ouvriers intellectuels qui entouraient alors Mme Sand. C’est ainsi qu’Achille Leroux, frère de Pierre, avait pendant de longues années aidé à élever les enfants d’une jeune femme, abandonnée par un bourgeois, comme Marthe, ou comme la première bien-aimée de Gilland. Il dut même plus tard, en 1843-45, soutenir un procès contre ce monsieur ; celui-ci, après de longues années d’oubli et d’indifférence, alléguant ses sentiments paternels, réclamait par voie de justice les enfants de sa maîtresse. Les lettres de Pierre et d’Achille Leroux nous apprennent la part que Mme Sand prit à cette affaire ; elle les aida de sa parole, de sa plume et de sa bourse. Exposons les faits.

L’ex-amant d’une certaine Aimée Térage, devenue Mme Achille Leroux, intenta en 1843 un procès à son ex-maîtresse ainsi qu’à son mari, afin de leur reprendre les deux enfants qu’Achille Leroux avait déjà reconnus légalement et qu’il considérait comme étant les siens. Ce monsieur prétendait faire casser la légalisation. Il promettait d’assurer à la mère des secours matériels. Il consentait en fait à lui laisser l’éducation de ses enfants, mais il lui refusait le droit de les élever. Elle, au contraire, ne voulait rien accepter de cet homme, qui l’avait séduite, alors qu’elle avait quinze ans, et qui plus tard, quoiqu’elle eût plusieurs enfants de lui, n’avait vu en elle qu’un instrument de plaisirs. Elle prouvait que cet individu n’avait pris aucun soin de ses enfants en bas âge, alors qu’il lui était le plus difficile de les nourrir, que même l’un d’eux mourut de misère. C’est alors qu’un homme généreux se mit à l’aimer. Ce fut lui qui pendant de longues années les secourut, elle et ses